Le 20 heuresInvité : Monsieur Stefano Peruzzi, président du groupe RSE à l’Assemblée Nationale
Au lendemain des premières manifestations contre le Gouvernement et son projet de révision générale des politiques publiques, c’est l’un des plus éminents représentants de l’opposition, président du groupe parlementaire RSE au Parlement, Stefano Peruzzi, qui est l’invité du 20 heures de Canal 4. Merci d’avoir accepté notre invitation.
Bonsoir Marie-Claire Savary.
Monsieur Peruzzi, la manifestation du 7 février a été un grand mouvement social à travers tout le temps. Selon les sources, on estime entre 300 et 850 000 le nombre de manifestants dans les rues. Outre cette bataille de chiffre, chacun peut se rendre compte que le mouvement a été d’une grande ampleur. Votre parti, le RSE, était au cœur des cortèges, quelle est votre impression sur cette journée ?
Ce fut une journée rondement menée dans une ambiance plus que bonne grâce au très bon travail du service d'ordre des organisateurs que je tiens encore une fois à remercier.
Même si l'atmosphère est bon enfant, ce n'est bien sûr pas un plaisir de manifester et ça ne le sera jamais, on ne manifeste que si on estime que les choses tournent mal et nous sommes nombreux à l'estimer, du RSE à l'ARC en passant par des personnalités indépendantes comme monsieur de la Tour, et je pense que le nombre le montre clairement, c'est la plus grande manifestation depuis mai 2009. Cette inquiétude croissante tourne autour de la valeur qu'on porte à la République et à ses missions, le saccage annoncé du service public porteur de l'égalité républicaine pour compenser des baisses d'impôts qui profiteront essentiellement aux plus riches.
Concernant la bataille de chiffres, je pense qu'elle n'a que peu d'importance, ce qui est le plus éloquent c'est la comparaison entre les manifestations précédentes et celle-ci qui tourne nettement en la faveur des mécontents de l'action gouvernementale. Et je ne cesserai de mettre en avant le chiffre le plus indiscutable de la journée, 68,5 % de grévistes dans l'éducation nationale où on n'est pas très bien payé. C'est la preuve d'une immense inquiétude des enseignants, et je pense qu'ils ont plus d'expérience que quiconque pour savoir comment faire fonctionner une école.
Ce qui résume le mieux ma pensée, c'est que cette journée a été un bel exercice d'expression populaire et un grand succès mais que les raisons qui ont poussé les syndicats à l'organiser m'inquiètent profondément pour la Frôce.
Vous mettez en avant dans votre action la forte mobilisation de l’éducation nationale, donc des enseignants notamment et vous pointez ce soir un niveau des salaires très bas. Pourtant, dans le précédent Gouvernement, où le RSE était l’un des piliers et dont l’un des ministres, Thomas Rolland, avait en charge le portefeuille de l’éducation, rien n’a été fait pour améliorer les conditions salariales des enseignants, ni même leur statut en deux ans. N’est-ce pas là une contradiction dans votre discours dont se sert déjà allègrement le Gouvernement du Premier ministre Borgia ?
Augmenter les salaires aurait été difficile vu le contexte de l'économie, en pleine récession, nous aurions pris le risque de présenter un budget en déficit et donc anticonstitutionnel ce qui aurait nui encore plus à l'image du Gouvernement. Et il ne faut pas oublier que monsieur Rolland n'avait pas seule autorité concernant le salaire des fonctionnaires, le ministère de l'économie était aux mains du PSD qui n'était alors pas envieux de prendre le risque d'endetter le pays.
Concernant le statut des enseignants en lui-même, il a fallu faire des choix, et monsieur Rolland a préféré se consacrer à d'autres thèmes plus centrés autour de l'enseignement supérieur. Il est vrai que certains ministres aiment se battre sur plusieurs fronts, mais c'est souvent au prix de nombreuses coquilles dans leurs textes, monsieur Rolland a préféré la qualité à la quantité, c'est un choix respectable qui correspond à sa personnalité, je ne suis pas certain que j'aurais fait le même, mais c'est la diversité des styles qui fait la force du RSE.
Il y a des domaines où nous n'avons pas fait le maximum, et c'est pourquoi la majorité n'a pas été reconduite, mais je pense qu'il n'y a pas de vraie contradiction dans ce domaine précis mais plutôt quelques regrets de ne pas avoir eu plus de temps et une économie plus dynamique.
Précisons que la Frôce n’était pas dans une mauvaise situation économique lors des premiers pas du Gouvernement de l’ancien Premier ministre Joseph Vossen. Mais pour en revenir aux manifestations, souhaitez-vous que le Gouvernement renonce à son projet de loi sur la révision générale des politiques publiques ou un amendement de celui-ci serait suffisant pour faire passer la pilule à vos troupes ?
Je ne peux parler qu'en mon nom sur ce sujet, les syndicats sont totalement indépendants du RSE et le RSE n'a pas de position officielle ferme. A titre personnel, je pense que ce projet peut être acceptable avec de lourds amendements.
En premier lieu, que l'éducation et la santé ne soient pas touchés, l'école de la République possède une mission essentielle de transmission des valeurs républicaines et du savoir aux générations futures, en la sabotant nous sabotons l'avenir de la Frôce ce qui n'est pas une option. Concernant la santé, le sous-effectif est un problème chronique, et je pense que l'aggraver ne fera qu'accentuer les risques d'accidents médicaux et je m'étonne d'ailleurs que les partis qui vantent le droit à la vie soutiennent une telle pratique.
En deuxième lieu, que la défense ne fasse plus partie des ministères épargnés, si des sacrifices doivent être faits, ils doivent être justement partagés, malgré tout le respect que je porte à nos forces armées il n'y aucune raison d'épargner la défense, la Frôce ne fait pas face à de graves menaces militaires immédiates, l'armée n'est pas en sous-effectif grave et je pense que la seule vraie raison de son exclusion du projet est l'achat des voix de l'Alliance Nationale.
En troisième lieu, que le plan soit moins drastique, 8 départs sur 10 non remplacés, ça peut provoquer de lourdes désorganisations, à l'heure où il faut chercher à rendre le service public plus efficace c'est une hérésie. A titre personnel, je pense qu'un départ sur 4 non remplacé hors éducation, santé, intérieur et justice serait plus juste si faire des économies est nécessaire.
En quatrième lieu, que le Gouvernement profite des économies pour prendre de vrais engagements pour relancer le pouvoir d'achat des plus modestes au lieu de se contenter d'offrir des cadeaux fiscaux aux plus riches.
On entend de part et d'autre dans les couloirs de l'Assemblée, la volonté d’être une opposition constructive, mais cela est-il compatible avec l’information qui circule depuis plusieurs jours dans les milieux autorisés d’une possible avalanche d’amendements de la part du groupe RSE, et pourquoi pas, de l’ensemble des forces de la coalition ? La précédente opposition n’utilisait pas son droit d’amendement et avait pour habitude de voter pour ou contre le texte dans sa globalité. Quelle sera votre attitude pour les prochains projets du Gouvernement ?
Il n'y aura pas d'avalanche d'amendements pour la bonne et simple raison qu'elle est légalement impossible et moralement contreproductive.
Légalement, chaque groupe a le droit à 14 amendements par texte, et je pense qu'un tel montant ne peut être qualifié d'avalanche sauf si nous parlons d'un texte très court, de plus, ceci ne change rien à la durée du vote des amendements qui est toujours de 48 heures au total. Et moralement, nous condamnerions toutes nos tentatives postérieures d'amender un texte comme chacun verra de notre main l'obstruction parlementaire et non la volonté d'améliorer le texte ou le rendre plus propice à un compromis.
Nous utiliserons le droit d'amendement uniquement quand les circonstances s'y prêtent clairement, pour rendre un texte plus acceptable et rechercher un compromis dans une logique d'opposition constructive. Par exemple, le Gouvernement a prétendu s'attaquer à l'"assistanat" avec sa réforme de l'AMA qui réduit sa valeur par le temps, nous avons proposé un dispositif s'adaptant au marché de l'emploi en toutes circonstances en réduisant la valeur par le nombre de refus d'emploi, ce qui empêche les refus de confort en période faste et les baisses visant des personnes de bonne volonté en période difficile. Par son refus le Gouvernement prouve qu'il a soit un objectif autre que la lutte contre l'"assistanat" soit qu'il est par principe fermé au compromis.
Pour nous le droit d'amender est l'une des plus grandes responsabilités des parlementaires et l'utiliser à des fins de spectacle ne serait pas un hommage à la démocratie représentative.
Merci pour vos réponses Monsieur le député.
08/02/2013 - Stefano Peruzzi
- Marie-Claire Savary
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08/02/2013 - Stefano Peruzzi
Directrice de l’information de Canal 4
Présentatrice de l’émission politique « Le Grand Rendez-vous »
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