
J'entamerai ce fil par une petite analyse faite par maitre Eolas, avocat bloggeur, qui date de février 2010 et qui résume bien l'état d'esprit actuel :
Lien : http://www.maitre-eolas.fr/post/2010/02 ... -en-pyjamaNous sommes à la veille d’une réforme du droit pénal des mineurs. L’UMP, sur son site, prépare le terrain et appelle “à la fin de l’angélisme”.
Coïncidence ? Depuis début janvier, je n’ai jamais eu autant de garde à vue de mineurs. C’est peut-être les hasards de la commission d’office, donc je demande à mes confrères qui assurent les permanences, qu’en est-il de votre côté ?
Parce que non seulement on dirait qu’elles explosent, mais c’est pour des faits parfois hallucinants. Une jeune fille de 15 ans, sans casier, en garde à vue pour avoir tenté de voler une paire de chaussures en solde (40€ chez Monoprix, donc 20 € partout ailleurs ; je rappelle que ma venue a coûté 63€ au contribuable) ; un jeune homme de 15 ans, sans casier non plus, en garde à vue pour avoir fait un croc-en-jambe à un camarade à la sortie du collège. Sur ce dernier, quand l’OPJ m’a dit ça, j’ai demandé de combien était l’incapacité totale de travail de la victime : je m’attendais à une fracture ou un trauma crânien. Non, rien, elle est ressortie de l’hôpital au bout de 10 mn, pas un jour d’ITT. J’indique mon incompréhension : violences volontaires sans ITT, c’est une contravention de 4e classe, 750€ d’amende max, bref, c’est aussi grave que porter une burqa, mais ça ne justifie par une garde à vue faute de prison encourue. Réponse du policier : mais la victime est mineure de 15 ans puisque c’est un camarade de classe qui n’a pas encore fêté son anniversaire, et les faits ont eu lieu à proximité d’un établissement d’enseignement : deux circonstances aggravantes, donc cinq ans encourus, art. 222-13, 1° et 11° du Code pénal. Avis à la population : désormais, bousculer un camarade dans la cour de récréation, c’est deux heures de colle ET cinq ans de prison.
Donc, il y aurait eu des consignes pour mettre le paquet sur les gardes à vue des mineurs au nom des objectifs chiffrés que ça ne m’étonnerait pas. Ça y ressemble.
Ce qui aura pour effet mécanique et mathématique d’augmenter les chiffres des gardes à vue de mineurs et de délinquance des mineurs.
Je parie donc une bouteille de champagne contre une boîte de petits pois que quand le gouvernement sortira sa réforme de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, on aura un beau communiqué nous disant : regardez, la délinquance des mineurs explose, +30% sur le premier semestre, vite, vite, il faut voter une loi donnant à la justice les moyens de taper plus fort, car c’est en cognant nos enfants et en ayant peur d’eux que nous construirons la France de demain.
Bien entendu, je ne manquerai pas de conter les exploits de la police et de la gendarmerie (je suis capable de taper sur d'autres personnes quand elles le méritent mais reconnaissez que la police actuelle c'est un "régal" pour un partisan des libertés individuelles comme moi face à l'hystérie sécuritaire médiatico-statistique et j'ai toujours trouvé ça plus couillu de m'attaquer à ceux que la société désigne comme gentils quand ils commettent des erreurs lourdes)
Sans plus attendre, voici l'exploit du jour en matière de garde à vue enclenchée sur un prétexte bidon, pour une fois les enfants ne sont pas à l'honneur comme ça en dévient répétitif mais une simple touriste, ça date d'il y a un mois.
Comme toujours, je suis fasciné et choqué par le motif de départ pour les conséquences engendrées. Il existe des Lois bien sûr (qui ne sont pas franchement en adéquation avec les arrêts rendus par la Cour Européenne des Droits de l'Homme) mais il existe aussi un principe de proportionnalité et de bon sens.
Source : http://www.rue89.com/2010/06/14/menotte ... sse-154742Une Chinoise de passage à Paris finit au commissariat après avoir demandé une détaxe dans un magasin. Témoignage.
Il était environ 20 heures. J'avais choisi les produits cosmétiques que je voulais acheter. Je demande à la vendeuse de payer en liquide mais que la détaxe soit faite sur ma carte de crédit -je savais qu'il y aurait la queue à l'aéroport pour la détaxe et qu'on pouvait faire comme ça. « OK », me répond t-elle.
Apparemment, elle n'a pas compris ma demande. Elle prend ma carte de crédit et me facture les articles [pour 190 euros, ndlr]. Je lui demande d'annuler le paiement.
Elle me répond qu'elle vient de faire la transaction, que c'est trop tard. Je la prie de demander à ses collègues ou à la banque comment faire pour annuler. Ils sont partis. Je redemande à être remboursée. Elle me dit qu'elle ne comprend pas et m'ignore.
Sans réponse de la vendeuse, j'appelle, de mon téléphone portable, la hotline en anglais de la police de Paris. Je tombe sur un message en français. J'appelle ma banque à Hong Kong. Ils me conseillent de ne pas signer le reçu. Je m'apprête à quitter le magasin. A ce moment-là, la vendeuse me dit qu'elle a appelé la police.
Trois agents arrivent, deux hommes (l'un d'entre eux parlant un peu anglais) et une femme. Ils ne parlent à la vendeuse qu'en français. J'essaie d'expliquer ce qui s'est passé et continue à me renseigner sur la procédure de remboursement. Ils n'ont pas l'air de me comprendre. J'écris quelques mots-clés en anglais.
La police continue à parler à la vendeuse en français. Elle sort un carnet de détaxe de TVA. Le premier policier qui parle un peu anglais me demande de lui donner mon passeport. Je lui réponds que je ne veux plus rien acheter de ce magasin, qu'elle n'a pas besoin de voir mon passeport. Ils insistent pour que je montre mon passeport.
Deux policiers me prennent par les bras et me font sortir de la boutique.
Dès qu'on est sortis, les agents me demandent de me tourner contre le mur et commencent à essayer de fouiller mon sac à dos sans explication.
Horrifiée par ce qui se passe, je m'accroche à mon sac en appelant à l'aide très fort. Un homme au premier étage de l'immeuble suit ce qui se passe, tout comme des gens depuis un restaurant à côté du magasin. Les agents me repoussent à l'intérieur du magasin. Là, l'un d'eux me passe les menottes.
Peu après une voiture de police m'emmène au commissariat de Châtelet. On me fait asseoir pendant qu'ils fouillent mon sac.
Le policier qui parlait un peu anglais me demande pourquoi j'ai un passeport britannique. Ils me disent fouiller mon sac pour savoir s'il contient de la drogue. Ils examinent mon passeport en détail, soupçonnant qu'il soit bidon. J'essaie d'expliquer en quoi consiste le statut des Britanniques vivant à l'étranger.
Mais comme ils ne connaissent pas les liens de Hong Kong à la Grande-Bretagne, ils continuent de penser que moi, chinoise, je ne peux pas avoir de passeport britannique. Ils me demandent même si j'ai travaillé en Grande-Bretagne et suis ensuite venue à Paris en bateau ! Aucune question en revanche sur ce qui s'est passé au magasin.
Plus tard, l'agente qui avait été dans la boutique me demande de me déshabiller pour une fouille. J'objecte que la pièce a une petite fenêtre et qu'on peut me voir. Elle me force à suivre ses instructions. Je suis ensuite placée dans une cellule, on me prend toutes mes affaires. Je demande à boire et l'autorisation d'aller aux toilettes. On m'ignore.
A 1 heure du matin, arrivée d'une traductrice. Elle me demande quelques informations de la part d'un agent : ma date de naissance, les études que j'ai faites… Elle me pose trois autres questions. Est-ce que j'ai de la famille à Paris ? Elle précise que je ne peux pas donner les coordonnées d'amis. Malheureusement, je n'ai pas de famille en France.
Pensant à ma collègue qui voyage avec moi et doit commencer à s'inquiéter, je donne le numéro de l'amie qu'elle devait voir. Celle-ci répond qu'elle ne me connaissait pas. J'espérais qu'elle passerait le message à ma collègue qu'on avait cherché à la joindre de la part de quelqu'un de Hong Kong.
On me demande ensuite si je veux voir un médecin en me prévenant que l'affirmative risque de prolonger ma détention. Je réponds non. Puis si je veux voir un avocat, je réponds oui. Je demande à la traductrice pourquoi on me garde au commissariat, combien de temps je vais rester là. L'agent me demande brutalement d'arrêter de poser des questions à la traductrice.
On me demande de signer un document de trois pages. La traductrice m'explique qu'on y a simplement noté les questions et mes réponses. Je trouve étrange que ces trois questions occupent trois pages, mais je fais confiance à la traductrice et je signe.
J'apprendrai plus tard lors d'un interrogatoire par un autre agent vers 3 heures du matin que le rapport concernait ce que l'agente du magasin et la vendeuse avaient dit de moi. A 2 heures du matin, une avocate vient me voir. Elle me demande s'ils m'ont maltraitée. Je réponds non parce que je crains que plus de complications prolongent ma détention.
J'ai enfin la possibilité de raconter ce qui s'est passé au magasin. L'avocat demande à l'agente si je peux être libérée. Je suis renvoyée dans ma cellule. A 3 heures du matin, un agent m'interroge. Il me pose beaucoup de questions via la traductrice.
A ma surprise, ils me demandent si j'ai mordu la femme agent de police, ou si j'ai essayé. Je dis que non. Je lui explique qu'il n'y a pas eu de bousculade tant que j'étais dans le magasin, que la vendeuse était dans le magasin quand j'étais dehors, qu'elle n'aurait rien pu voir et que de toutes façons je ne pouvais même pas bouger quand on m'a ramenée dans le magasin, il y avait trois policiers qui me tenaient.
L'agent me demande pourquoi la vendeuse et l'agente ont dit ça et si elles mentent. Je réponds que je n'en sais rien.
Je sens que l'agent me croit. Il écrit un rapport, me l'explique et me demande de le signer. Il autorise la traductrice à appeler mon amie qui m'attend, inquiète, à l'hôtel.
Après ça, l'agent prend trois photos de moi et mes empreintes digitales. A 11 heures du matin, le chef de la police me dit que le juge a décidé de me libérer. Il m'explique que la prochaine fois qu'on me demande mon passeport, je dois le montrer ou j'irai en prison.
(Traduction : Guillemette Faure)
► Jointe par téléphone par Rue89, la responsable du magasin nous a expliqué que c'était son adjointe qui assurait la fermeture. Voilà sa version :
« L'incident est arrivé au moment de la fermeture du magasin, à 20 heures. Une dernière cliente passe en caisse pour payer ses articles.
La dame ne parlait pas français. Elle a tendu sa carte bancaire à ma collègue qui a procédé à l'opération de paiement.
La cliente a demandé une détaxe. Pour cela, il faut présenter son passeport. Ce que la dame refusait de faire.
C'était l'heure de la fermeture. Le magasin devait fermer. Mon adjointe m'a contactée. J'entendais cette dame hurler au téléphone. Nous avons alors appelé la police.
Mon adjointe est restée au commissariat pendant jusqu'à 22 heures. Pour témoigner du fait que la dame avait mordu un des policiers. »
Donc on parle de menottage et de fouille au corps pour une affaire qui n'a au départ aucun rapport avec la violence (donc encore pire que les affaires de disproportion entre deux violences (d'ailleurs celles de l'accusée furent non avérées) que j'ai pu citer dans le passé), d'une ignorance parfaite de la police du droit international (et de l'Histoire en règle générale, moi qui croyais que le concours pour entrer dans la police était d'un niveau supérieur au brevet des collèges...), de doutes basés sur la seule origine ethnique, d'intimidations, de refus de laisser aller la personne gardée à vue aller aux toilettes, d'un interrogatoire au beau milieu de la nuit pour une affaire qui est quand même loin d'être liée au grand banditisme.
On voit ici la police sublime dans son devoir d'exemplarité, je ne me risque pas d'aller plus loin dans la comparaison sinon on m'accuserait de complaisance avec les vrais truands, je me contente de noter des réactions disproportionnées, pour conforter les personnes qui sont en accord avec moi dans leur combat idéologique et pour montrer aux indécis que la police est loin de l'héroïsme colporté par certaines chaines de télévision, je ne cherche pas à convaincre ceux qui sont déjà convaincus par les versions policières, car ils sont souvent inconvertibles comme souvent dans un bon débat, que ce soit dans un cas précis lié à une pensée personnelle ou par idéologie qui vise à toujours donner raison à la police, mais je ne refuserai jamais le débat, il est possible que mon emballement me pousse à me tromper sur certains points.
Vous remarquerez que le site d'informations (marqué à gauche, je le reconnais) a bien pris soin de préciser la version du magasin, la raison me parait quand même légère, des gens qui crient il y en a tous les soirs dans n'importe quel quartier et on n'appelle pas la police pour autant.