[Villa Castellane] Domicile de François Bertrand

[François Bertrand]

VILLA CASTELLANE

Résidence secondaire de François Bertrand

[Vincent Valbonesi]

Vers minuit, un convoi de plusieurs berlines noires s’approcha de la villa de François Bertrand. Le passager de la première voiture ouvra la porte puis se dirigea à l’interphone. Il sonna. Il jeta de brefs coups d’œil vers le grand portail qui protégeait la propriété des regards indiscrets. Quand une voix répondit à l’interphone, il s’en approcha.

« Nous venons voir M. Bertrand, M. le Président Valbonesi est avec nous. Il souhaiterait s’entretenir en toute discrétion avec M. Bertrand »

[François Bertrand]

François était au lit avec l'une de ses maîtresses, après une dure journée à Aspen où il cumulait l'encadrement de ses députés et le travail de la commission d'enquête.
Lorsque la gouvernante tenta de prendre contact avec lui par le biais de la ligne qui se trouvait dans la chambre conjugale, il fut paniqué. Pas d'autres hypothèses, soit sa femme était de retour un peu plus vite que prévu, soit il se passait quelque chose de grave dans la maison.

"Oui Sylvie, qu'y a t-il?... Comment?... Vous êtes sûre?... Ah bon..."

Il raccrocha, remit son caleçon et se dirigea vers la penderie pour enfiler un peignoir. Devant les questions insistantes de la blonde qui était affalée sur le lit, il se contenta de lui demander de rester là où elle était.

"Tu veux du chocolat ? Sylvie peut t'en apporter. Je reviens dans quelques temps, regarde la télé si tu veux. Mets Arte... enfin si tu arrives à comprendre"

En chaussons, il descendit des escaliers tout en nouant les lacets qui entouraient son ventre.

"Conduisez Vincent Valbonesi à la piscine et demandez à Justin de préparer deux chaises, une table et un cocktail pour mon invité. Pendant ce temps je vais me faire un petit café"

Dans la cuisine, il manipula la cafetière en étant troublé par une visite aussi inattendue. Il essayait de gagner du temps pour réfléchir aux raisons pour lesquelles l'ancien président venait le voir et sur le comportement qu'il pourrait adopter. Une fois son café prêt, il le dégusta une première fois avant d'expirer une bouffée d'air pour se préparer à la discussion qu'il aurait dans peu de temps.

Ouvrant la grande porte vitrée qui menait à l'extérieur, il aperçut Vincent Valbonesi assis, qui semblait l'attendre. Un peu troublé, il se ressaisit en pensant qu'il n'y avait aucune raison d'être intimidé.

"Eh bien bonsoir Vincent. Cela fait longtemps, tu viens me voir chez moi maintenant?"

[Vincent Valbonesi]

Vincent était assis au bord de la piscine. Quelques lumières éclairaient la terrasse et le petit parc a côté de la villa. Il était habillé d’une chemise blanche, col déboutonné et d’un pantalon chino bleu marine. Comme à son habitude, son bronzage approchait la perfection. Lorsqu’il vit François sortir de la villa par une grande baie vitrée, il fit un sourire puis se leva en écartant les bras vers le haut comme pour accueillir un vieil ami.

« François ! Mon ami ! Comment vas-tu ! »

Vincent, d’un sourire forcément hypocrite, enlaça François pour une accolade comme à la vieille époque. Puis il pris place à nouveau sur son fauteuil, assez agréable. Il proposa un cigare à François qui était lui aussi un fin amateur. Il s’apercevrait alors qu’il s’agissait de cigare cubain que Vincent faisait venir directement de Cuba par valise diplomatique pendant sa présidence et comme frais de bouche de la présidence de la République. Il coupa son cigare.

« François, je viens ce soir en ami. Je sais que tu as de quoi être surpris, mais c’était volontaire. On ne peut pas renouer des liens sans un peu de fantaisie, tu me connais, je suis comme ça ! »

Il fit une tape sur l’épaule de François puis il alluma son cigare.

[François Bertrand]

Vincent était habillé de façon décontractée, ce qui donna le ton de l'ambiance consacrée à cette soirée. Lui remerciant pour le cigare cubain, François s'assied à son tour.

"Mon ami ? Ecoute bien Vincent, on ne peut pas tout oublier d'un revers de la main. C'est la commission d'enquête qui te rend si amical?"

En allumant son cigare, il termina :

"Bonne qualité. C'est sans aucun doute un cubain"

Se tournant vers le portail.

"C'est ça que tu appelles fantaisie ? Toute cette escorte de berlines rien que pour moi ? Je suis flatté"

[Vincent Valbonesi]

Il sirota un peu de son cocktail tout en souriant aux propos de François.

« Tu sais, les temps sont difficiles. Il n’est jamais grave d’être trop prudent. Certains coopèrent moins que d’autres. Puis comme tu le sais, les affaires, ça comporte quelques risques… »

En se tournant vers ses gardes du corps, la plupart payés par le contribuable.

« Tu sais bien que je déteste la solitude, ils me tiennent compagnie »

[François Bertrand]

Souriant parce que la discussion semblait s'inspirer des dialogues d'un polar politique, il croisa ses jambes et réfléchit un instant en regardant son interlocuteur les yeux dans les yeux. Il peut s'amuser, mais il doit rester méfiant.

"Trêve de plaisanteries Vincent. Effectivement les temps sont difficiles et d'après quelques informations que je tire par ci par là de mes amis dans tous les milieux, je pense qu'il y a de quoi avoir chaud aux fesses"

Il posa le cigare dans un cendrier avant de continuer :

"Admettons que je coopère, quel intérêt aurai-je ?"

Il comprendrait ce sous-entendu car tous les deux savaient de quoi il était question.

"Il semblerait que tu te fais voir en public, un peu à l'image de ce Nicolas Sarkozy. Et puis il y a ces rumeurs, tu sais, celles qui disent que tu préparerais ton retour. Avec aucun appui ni aucune structure politique tu penses pouvoir te présenter à la prochaine présidentielle?"

[Vincent Valbonesi]

Vincent, quelque peu chafouin par les propos tenus par François, se redressa sur son fauteuil. Il croisa lui aussi la jambe droite sur la cuisse gauche. Il posa le coude sur la table en fer forgé qui séparait les deux hommes, il entrecroisa les doigts de ses deux mains puis répondit.

« Tu le sais, ma carrière politique n’est pas un parcours de santé. Il y a échec puis il y a les réussites. Heureusement, grâce au bon Dieu, j’ai eu plus de réussites que d’échecs. Pour gouverner, il faut savoir faire des choix. Il faut savoir aussi franchir certaines lignes pour être en mesure d’imposer sa politique. C’est le cas à l’échelle nationale et bien plus à l’échelle internationale »

Il s’arrêta de parler, il inhala quelques bouffées de son cigare cubain puis enchaîna.

« Ton interet ça serait de devenir le numéro deux de ma future entreprise politique »

Un instant de silence.

« Oui, tu as bien entendu, le numéro deux. Je ne peux pas l’emporter sans réunir la droite. J'ai besoin de réunir le plus de monde autour de moi ou sinon je n'irais pas. Tu es la droite, tu as l’UDR. L’UPF ne représente plus rien. Cette campagne peut être une réussite totale. Si je l’emporte et que la législative est à nous, tu seras mon Premier ministre. Chaque effort mérite une juste récompense puis tu sais que sur mon seul nom, je peux déjà réunir les financements pour la campagne présidentielle, les financements pour la campagne législative et les voix nécessaires le jour du vote »

[François Bertrand]

François esquissa un sourire qui se transforma finalement en rires.

"Alors comme ça, tu n'as toujours pas compris?"

Il reprit le cigare et après en avoir savouré l'arôme, il reprit de plus belle :

"Tu m'as fait comprendre en gros qu'en politique, il fallait parfois se salir les mains. J'ai tout fait pour te mettre dehors et après tous ces efforts pour me construire une posture d'homme d'Etat et pour préparer mon couronnement, tu penses réellement que je vais tout lâcher histoire de t'aider à reprendre le pouvoir, après t'avoir bien gentillement aidé à le quitter?"

Il remua sa tasse de café en souriant, en termina le contenu avant de la reposer sur la table.

"Laisse moi changer le deal à ma manière. Je vais coopérer et je sais comment faire pour que cette coopération soit fructueuse. Mais je veux ton soutien public et inconditionnel à ma candidature, lorsque le moment sera venu. Tu es assez intelligent pour rendre la chose crédible. Je suis en position de force, tu n'es plus président du RPR, c'est donc moi qui pose les conditions.
Voilà quelques temps que tu n'es plus dans les coulisses du pouvoir et s'il y a une chose que je peux te dire, c'est qu'il y aura une terrible secousse très bientôt. Cette secousse, si tout se passe comme prévu, m'ouvrira les portes du pouvoir et pour rien au monde je ne manquerai cette occasion. Par contre, je n'ai pas l'intention de durer plus d'une fois, alors si tu es blanchi, ça te donnera l'occasion de faire ton retour. On peut se quitter bons amis ou pas, c'est à toi de voir, mais dans tous les cas un refus de ta part ne me fera ni chaud ni froid. Considère cette proposition comme une main tendue où c'est toi qui en serait le principal bénéficiaire, compte tenu des coûts et des risques. "

[Vincent Valbonesi]

Vincent resta surpris par le ton employé par son ancien collègue du RPR. Il répliqua immédiatement.

« François. François. François. Je t’en prie, ne sois pas aussi stupide. Tu penses réellement qu’une commission d’enquête parlementaire pourrait me nuire ? »

Il fit une pause, le temps de sortir un nouveau cigare de sa poche de chemise.

« Je vais te dire quelque chose »

Il coupa son cigare puis l’alluma.

« S’il y a bien une chose qu’il te faut retenir sur moi et les quelques éléphants politiques de notre pays ou d’ailleurs, c’est qu’il faut avoir plusieurs coups d’avance pour paraitre crédible »

Il souffla un petit peu sur son cigare pour que l’incandescence soit parfaite.

« Je n’ai aucune crainte de cette commission parlementaire ni même de la justice. J’ai suffisament d’amis en Frôce et en dehors de la Frôce, pour quitter ce pays et vivre comme je l’entends où je le l’entends »

Il porta le cigare à sa bouche puis aspira les premières bouffées.

« Tu as fait un choix en soutenant la candidature de Saint-Imberb la fois précédente. Je peux te pardonner cet écart plus que déplaisant. Mais tu sais très bien que sans un soutien fort, tu n’as aucune chance de l’emporter devant un candidat modéré ou de gauche. Je suis aimé de la gauche, les Salinovitch et autres se sont empressés de voter pour moi pour mon élection à la Présidence de la République. Est-ce que tu penses sincèrement que tu pourrais faire aussi bien ? »

Il s’arrêta de parler un instant, fixa François dans les yeux, puis continua.

« Je ne suis pas là ce soir en adversaire. Je suis là pour te proposer un projet commun. Mais je t’en prie, qu’attends-tu de moi ? »