[Conférence] La démocratie frôceuse
Posté : 25 juil. 2010, 09:17
Bonsoir à tous, merci d'être venus si nombreux.
Vous l'aurez donc compris, je suis ici afin de m'exprimer autour des Élections Générales que nous avons vécu. Je ne vais pas commenter le résultat. Je laisse ce travail intellectuellement peu éprouvant aux quelques gâcheurs d'encres qui n'ont finalement pas grand chose à dire. Je vais plutôt m'intéresser ce soir à l'analyse de la structuration politique frôceuse.
Selon moi, ces élections ont été symboliques d'un déséquilibre sur le "marché politique" pour reprendre le terme de Joseph Schumpeter. Afin de démontrer ceci, je commencerai par analyser avec vous l'évolution des campagnes. Cela passe notamment par une étude rigoureuse des discours de chaque famille politique puis par l'interprétation plus large que l'on doit en faire. Je pourrai en venir à ma thèse que je défends ce soir : le système politique frôceux est encore profondément lacunaire. Je pourrai enfin conclure sur une analyse des conséquences de la structuration particulière du champ politique frôceux.
Mais avant cela, j'aimerai mettre en évidence une analyse de la campagne sur la forme avant d'en voir le fond.
Je peux comprendre que ceci déplaise. Après tout, quand on se réclame politiste ou que l'on aime réellement le Politique, on a plutôt tendance à demander du fond plutôt que de la forme. Toutefois, il me semble très intéressant dans le cadre frôceux de réfléchir sur la question.
Ainsi, l'une des premières évidences est que la campagne s'est organisée sur un modèle de non-contradiction. On n'a que très rarement vu des interventions directes d'hommes politiques sur les propositions des autres. Contrairement à ce que l'on pouvait espérer, la campagne s'est organisée autour de grands meetings où chaque candidat étalait sa vérité sans n'être jamais repris par quelconque adversaire qui soit.
Je peux vous dire qu'en Lutécie, ce n'est pas le cas ! Il y a de véritables débats contradictoires avec des argumentations, des contre-arguments qui donnent lieu à de véritables joutes lyriques. Ce procédé éminemment démocratique n'a pas été respecté. La campagne frôceuse est une honte pour la débat démocratique !
En ce sens, je suis profondément déçu par l'attitude de nos politiques. J'ai tenté de tenir ce rôle ; essentiellement contre le Mouvement Libéral, certes. Quoi qu'il en soit, les seules réactions que j'ai eu des libéraux ont été marquées par un grand mépris. Certainement l'amour profond de la démocratie.
Cela dit, il y a eu pire. En effet, malgré tout, il y a quand même eu des critiques des autres projets politiques. À ce titre, le Mouvement libéral s'est mis en avant par des attaques presque continues contre la Ligue patriotique… quitte à tomber dans le ridicule ou la "petite phrase". Louis-Damien Lacroix-de-Beaufoy et les siens ont ainsi pu mettre en avant toute leur mauvaise foi politique. La première d'entre elle est d'avoir prêté à May Maxson de vouloir rétablir une dictature. Ce n'est évidemment pas le cas. Que le projet de la Ligue apparaisse détestable, réactionnaire et totalement insupportable pour un libéral, ça se conçoit aisément. Qu'il comporte en lui le germe d'un autoritarisme, c'est plutôt vrai. Cela dit, cela ne se mute pas en dictature sanglante. On peut être un étatique comme le sont les personnes de la Ligue patriotique et ne pas vouloir établir un régime totalitaire. Je passerai très rapidement sur les sobriquets grotesques dont Lacroix aurait pu déposer des droits. "Fantassins du diktat" reste selon moi le plus absurde.
Ceci dit, la Ligue a aussi montré toutes ses capacité de sombrer dans le ridicule. Je repense à la longue tirade de May Maxson ne visant qu'à répondre à Lacroix. C'est tout bonnement ridicule. Après, quand elle critique, la Ligue utilise un mélange de style étrange mais représentatif de ces mouvements populistes. Ils font une critique qui a le mérite de la cohérence puis cherchent les coupables. Cette fois ci, le coupable était "l'esprit gauchiste" qui poussait à l'ouverture des frontières et à la mondialisation en Frôce. La Ligue se retrouve donc exclue de tout reproche et peut donc taper sur les autres. Ils vont jusqu'à dire qu'ils sont les seuls frôceux de la campagne. On reconnaît bien ce mauvais esprit qui se permet de qualifier tout le monde de ce qu'il souhaite. Cette pratique, jadis duopole des populistes et du Café du Commerce, s'est tout de même étendu jusqu'aux libéraux. Profondément désolant
Afin de résumer, on peut dire que nous avons eu une campagne de forme assez aberrante. Si la classe politique s'est félicitée de conduire tout le monde jusqu'au vote elle n'a offert en rien une campagne à la hauteur de l'événement. Ont toujours été préféré les petites phrases et autres insultes au réel débat. Et pourtant, il y en avait de la place pour faire un débat sur le fond.
Nous allons donc pouvoir en venir à l'étude du fond dans la campagne. Je vais me restreindre aux deux seuls partis ayant réellement fait campagne : la Ligue patriotique et le Mouvement libéral.
Commençons donc par la Ligue patriotique. Il y a de nombreuses choses à dire.
Tout d'abord on peut dire qu'ils ont réussi à sortir vainqueur d'un numéro d'équilibriste délicat et ils ont même remporté une bataille sémantique. Ils ont réussi à mettre un terme à l'idée considérant que le marasme économique frôceux était imputable à la dictature. On peut le dire notamment par l'évolution dans le discours libéral. Ceux-ci ont au début tiré à boulets rouges sur tout l'héritage de cette période pour finir par concentrer leurs critiques sur les entraves à la liberté de la dictature. Ce premier succès n'est vraiment pas négligeable mais doit être relativisé. Beaucoup assimilent encore pêle-mêle dictature, période Drouet et Ligue patriotique. On pourra parler d'une réussite pour la Ligue quand ces trois entités ne seront plus vu comme un Tout unique mais comme des entités en interaction.
Après l'analyse du discours de fond de l'équipe de Maxson est finalement assez attendu. Le diagnostic originel de la Ligue est de voir l'être humain comme mauvais et ayant besoin d'une autorité supérieure pour le tenir au calme et en paix. Cette autorité, c'est l'État. Quelques concessions ont été faites, notamment l'acceptation de la Démocratie. Cela dit le projet initial de la LP est bien de donner à l'État une présence de plus en plus importante. L'objectif de paix sociale incombe donc à celui-ci et non aux individus. L'acteur central de leur politique est donc la Société. À ce postulat originel, la Ligue a associé des idées nouvelles. Le nationalisme, le jacobinisme, le keynésianisme ou le colbertisme font partie de ses grilles de lecture. Cet héritage mixte permet deux choses essentielles à la Ligue. Premièrement, elle a réussi à construire une idéologie cohérente et utilisant ses divers appuis théoriques pour combler les lacunes de chacun de ces courants de pensée. Par exemple, les points faibles principaux du keynésianisme sont la contrainte extérieure et le long terme. Le nationalisme permet d'instaurer du protectionnisme et le colbertisme ouvre la voie à l'investissement public dans la recherche et développement pour une croissance à long terme.
Le deuxième intérêt de cette mixité est d'apparaître pragmatique. Ce pragmatisme n'est que de façade, certes, mais l'illusion peut fonctionner. Et elle fonctionne d'autant plus que la Ligue patriotique a refusé de se classer sur l'échiquier politique. Si elle s'est maintes fois levé contre le gauchisme elle ne s'est jamais réclamé de Droite. Quand on questionne Maxson, Cossac ou Ervhart ils vous diront qu'ils sont frôceux ou patriotes mais ne se revendiqueront pas d'une idéologie. Et c'est là encore qu'ils se présentent comme pragmatique. Ils se mettent en opposition à leurs concurrents en prétendant servir l'intérêt de la Frôce. La réalité, parce qu'il faut tout de même le savoir, c'est que la base idéologique de la Ligue ne laisse pas le moindre doute. En réalité, elle a un idée bien clair de ce que qu'elle veut mettre en place et ne fait qu'utiliser des théories qui peuvent servir son plan initial. Le seul pragmatisme de la Ligue est sur les moyens utilisés, pas sur l'objectif.
Pour le reste, un discours attendu. Moins d'immigration, plus d'identité. Moins de préventions, plus de répression. Moins de taxes, plus de dépenses publiques. Moins de commerce, plus de frontières. Un classique du genre. Étant donné que mon objectif est uniquement d'analyser le discours, je n'irai pas dans une critique de celui-ci. On peut simplement conclure que la cohérence interne de la Ligue patriotique est certainement sa plus grande force.
Intéressons-nous au Mouvement libéral.
Les libéraux ont été, incontestablement, la force la plus présente dans cette campagne. Avec un slogan plutôt bien choisi et en affichant une volonté de changement. Leur souci essentiel , finalement, c'est bien qu'ils sont libéraux. En proposant un programme de désengagement de l'État et d'ouverture au libre-échangisme, ils nous conduisent vers un choc évident. Il faudra alors soit prolonger et aller toujours plus loin soit reculer. Le prolongement impliquerait de transformer toute la structure économique de la Frôce pour un résultat peu évident. Le recul nous contraindrait à nous désengager d'avec nos nouveaux partenaires et conduirait à des sanctions contre la Frôce. Vous l'aurez compris, le projet économique libéral n'est pas la panacée. Il repose en outre sur une analyse profondément fausse de l'économie sous la dictature.
En refusant idéologiquement de mettre en avant la réussite des politiques keynésiennes de Charles Lacroix-de-Beaufoy et l'échec des politiques de libéralisation progressive de Drouet, les libéraux ont tenté de réécrire l'histoire. Ceci mis à part, il faut également constater que sous ses apparences bonhomme, le ML n'a rien à envier aux libéraux les plus acharnés. Flexibilité, individualisme, défiscalisation, privatisations… un réel programme de casse sociale. Le ML, c'est également l'expression de la plus exécrable forme de discours bien-pensant. Après avoir montré la nécessité des individus d'être libérés on en appelle à la casse de l'État et à la transformation du lien social par le prisme d'une économie concurrentielle.
Finalement, le projet du ML est profondément utilitariste. Ils défendent une Société organisée autour du cercle économique (Production, revenus, consommation, etc…). Ils invitent donc à créer un climat où l'individualisme et la concurrence généralisée sont sensés apporter l'abondance qui garantira la paix sociale. À titre personnel je critique l'objectif des libéraux et leurs outils. Je pense que cet économisme qui caractérise le ML plus que la LP fait fausse route et ne permet pas de créer une Société de progrès.
Il faut toutefois reconnaître une cohérence parfaite aux libéraux dans leur projet.
Cela dit, leur victoire aux élections est-elle réellement significative ? Ce que les frôceux veulent, est-ce vraiment le projet libéral ? Je pense que ma découpe du clivage frôceux entre deux partis réellement forts peut suffire à répondre "non".
J'en viens donc maintenant, à ma thèse essentielle : la structure politique frôceuse est encore profondément lacunaire.
À ce jour, seuls deux partis se sont réellement engagé dans une campagne digne d'une démocratie. On pourrait croire qu'il existe une opposition telle entre ces partis que le bipartisme serait acceptable. Il n'en reste pas moins vrai que la Gauche et la droite conservatrice n'ont pas encore de réels choix. J'en viendrais donc à une thématique reprenant un concept qu'il convient d'user avec parcimonie : le marché politique. Celui-ci voit un réel écart entre la demande (les attentes des citoyens) et l'offre (les propositions des politiques). Ainsi, toute la pensée de Gauche a été abandonnée lors de ces élections. En définitive nous avions uniquement le droit à un duel dans les manières de prolonger l'échec. L'échec réactionnaire avec la Ligue patriotique, l'échec moderne avec le Mouvement libéral. Il n'y avait aucune place pour les tenants d'une pensée alternative capable de dépasser les limites de ces deux horreurs. Alors, entre une extrême droite dure et assez effrayante et des libéraux promettant la démocratie, nombre de citoyens ont opté pour Lacroix en un mot contre la croix en deux mots.
Car l'analyse de l'activité de la Gauche fait mal. Si la candidature de Makhno avait quelque chose de rafraîchissant et d'atypique en comparaison de la social-démocratie européenne, le Rassemblement socialiste reste un parti profondément mou. Il n'y a que de la soumission aux idées libérales dans le discours d'un GKD. Dans le même temps, les communistes ont été incapables de réellement attirer à eux. Ils sont en prime victimes, déjà, d'apparentes divisions sur les aspirations générales. Hélène Le Menn se voit plus comme une écolo, Mauro Garibaldi est un authentique communiste. Et le plus beau est à venir. Ni les socialistes ni les communistes ne semblent réellement prêts à s'allier ! L'idée de voir la Gauche se rassembler apparaît bien difficile à concevoir aujourd'hui, GKD critique plus les communistes que les libéraux. Dans le même temps, Hélène Le Menn participe à un Gouvernement libéral !
Il faut donc dresser un bilan. La Gauche n'est pas encore née en Frôce. Tant qu'elle sera inexistante, on assure à jamais la victoire des libéraux qui pourront jouer le beau rôle contre la Ligue patriotique et son discours caricatural.
Cette conséquence doit nous faire nous interroger profondément. Est-ce réellement ça la démocratie ? Je pense, clairement que non. Outre les limites intrinsèques à la démocratie représentative (carriérisme, clientélisme, lobbying, dotation du pouvoir aux partis, recul de la place du peuple dans les décisions…) on en rajoute une essentielle : un pluralisme très limité. Dès lors, une frange importantissime de la population se retrouve sans représentation possible. J'ai évoqué le sort de la Gauche, mais on pourrait également très bien s'interroger sur la représentation des conservateurs. Le fait est qu'il y a un grand besoin de reconstruction politique et d'implication du citoyen. Il faut pour cela des militants de conviction pouvant créer différents partis et des politiques privilégiant l'expression populaire. Ni la LP, ni le ML ne proposent ceci.
Et voilà comment on en arrive à l'aberration gouvernementale que nous a concocté Christian Valmont. Pas peu fier de lui, le nouveau Premier ministre a proposé une tambouille inqualifiable. On a beaucoup insisté sur l'incohérence interne, j'aimerai soulever deux autres points : la tentative de structuration de l'actuel pseudo-clivage politique et l'arrangement avec des règles démocratiques essentielles.
Un Gouvernement aux allures de bordel rassemblant tout le monde sauf la Ligue patriotique n'est pas anodin. Les libéraux nous font le coup de l'union nationale… libérale. Nous avons réunis tout les gentils anciens résistants contre les méchants pro-dictature. Le clivage risque d'en rester là et de continuer à faire stagner la qualité du débat politique frôceux. Tant que l'on en restera à un positionnement vis-à-vis du passé, on ne pourra pas distinguer de projets d'avenir. Les libéraux rassemblent ainsi et profitent de leur position de force pour imposer le programme.
On en arrive là à un arrangement avec les règles démocratiques. Parce qu'en vassalisant d'autres partis au sein du Gouvernement, les libéraux permettent de faire taire l'opposition. Près de 40% des députés communistes ont approuvés un Gouvernement dont la priorité économique était la privatisation massives d'entreprises jusqu'alors publiques ! On peut en ricaner, cela m'inquiète plutôt ! L'union nationale est un mythe et particulièrement de nos jours.
Alors je ne vais pas vous présenter maintenant la somme de recettes culinaires pour prendre en main la politique frôceuse. Il conviendra simplement que le bilan rapide de notre nouvelle démocratie nous laisse sur notre faim.
Nous avons eu droit à une campagne privilégiant largement les petites phrases aux véritables débats de fond. Deux partis de Droite ont une activité satisfaisante, les autres tendances sont bien moins exposées. Il n'existe pas encore une véritable Gauche en Frôce et l'union des deux partis fantoches actuellement créés semblent particulièrement délicate. On organise un clivage et un débat politique non pas sur les positions respectives de chacune des tendances, mais sur une sorte de référendum "pour" ou "contre" la Ligue patriotique. Enfin, le Mouvement libéral a une attitude expansive et n'hésite pas à débaucher des personnalités même,communistes afin d'appliquer un programme libéral… une attitude vraiment discutable.
Il ne s'agit pas de s'emballer, mais la réalité est que notre jeune démocratie a encore besoin de se constituer. La priorité reste, à mon sens, qu'une force de Gauche explose enfin. Elle pourrait dégonfler la baudruche libérale et imposer un nouveau clivage qui impliquerait donc une élévation du discours général (qui serait, je le pense, fatal à la Ligue patriotique).
D'où l'intérêt suprême qu'ont les citoyens de toutes les tendances à s'engager politiquement : afin d'affirmer notre démocratie.
Je vous remercie de m'avoir écouté, nous pouvons désormais passer à la phase de débat et de questions.
Vous l'aurez donc compris, je suis ici afin de m'exprimer autour des Élections Générales que nous avons vécu. Je ne vais pas commenter le résultat. Je laisse ce travail intellectuellement peu éprouvant aux quelques gâcheurs d'encres qui n'ont finalement pas grand chose à dire. Je vais plutôt m'intéresser ce soir à l'analyse de la structuration politique frôceuse.
Selon moi, ces élections ont été symboliques d'un déséquilibre sur le "marché politique" pour reprendre le terme de Joseph Schumpeter. Afin de démontrer ceci, je commencerai par analyser avec vous l'évolution des campagnes. Cela passe notamment par une étude rigoureuse des discours de chaque famille politique puis par l'interprétation plus large que l'on doit en faire. Je pourrai en venir à ma thèse que je défends ce soir : le système politique frôceux est encore profondément lacunaire. Je pourrai enfin conclure sur une analyse des conséquences de la structuration particulière du champ politique frôceux.
Mais avant cela, j'aimerai mettre en évidence une analyse de la campagne sur la forme avant d'en voir le fond.
Je peux comprendre que ceci déplaise. Après tout, quand on se réclame politiste ou que l'on aime réellement le Politique, on a plutôt tendance à demander du fond plutôt que de la forme. Toutefois, il me semble très intéressant dans le cadre frôceux de réfléchir sur la question.
Ainsi, l'une des premières évidences est que la campagne s'est organisée sur un modèle de non-contradiction. On n'a que très rarement vu des interventions directes d'hommes politiques sur les propositions des autres. Contrairement à ce que l'on pouvait espérer, la campagne s'est organisée autour de grands meetings où chaque candidat étalait sa vérité sans n'être jamais repris par quelconque adversaire qui soit.
Je peux vous dire qu'en Lutécie, ce n'est pas le cas ! Il y a de véritables débats contradictoires avec des argumentations, des contre-arguments qui donnent lieu à de véritables joutes lyriques. Ce procédé éminemment démocratique n'a pas été respecté. La campagne frôceuse est une honte pour la débat démocratique !
En ce sens, je suis profondément déçu par l'attitude de nos politiques. J'ai tenté de tenir ce rôle ; essentiellement contre le Mouvement Libéral, certes. Quoi qu'il en soit, les seules réactions que j'ai eu des libéraux ont été marquées par un grand mépris. Certainement l'amour profond de la démocratie.
Cela dit, il y a eu pire. En effet, malgré tout, il y a quand même eu des critiques des autres projets politiques. À ce titre, le Mouvement libéral s'est mis en avant par des attaques presque continues contre la Ligue patriotique… quitte à tomber dans le ridicule ou la "petite phrase". Louis-Damien Lacroix-de-Beaufoy et les siens ont ainsi pu mettre en avant toute leur mauvaise foi politique. La première d'entre elle est d'avoir prêté à May Maxson de vouloir rétablir une dictature. Ce n'est évidemment pas le cas. Que le projet de la Ligue apparaisse détestable, réactionnaire et totalement insupportable pour un libéral, ça se conçoit aisément. Qu'il comporte en lui le germe d'un autoritarisme, c'est plutôt vrai. Cela dit, cela ne se mute pas en dictature sanglante. On peut être un étatique comme le sont les personnes de la Ligue patriotique et ne pas vouloir établir un régime totalitaire. Je passerai très rapidement sur les sobriquets grotesques dont Lacroix aurait pu déposer des droits. "Fantassins du diktat" reste selon moi le plus absurde.
Ceci dit, la Ligue a aussi montré toutes ses capacité de sombrer dans le ridicule. Je repense à la longue tirade de May Maxson ne visant qu'à répondre à Lacroix. C'est tout bonnement ridicule. Après, quand elle critique, la Ligue utilise un mélange de style étrange mais représentatif de ces mouvements populistes. Ils font une critique qui a le mérite de la cohérence puis cherchent les coupables. Cette fois ci, le coupable était "l'esprit gauchiste" qui poussait à l'ouverture des frontières et à la mondialisation en Frôce. La Ligue se retrouve donc exclue de tout reproche et peut donc taper sur les autres. Ils vont jusqu'à dire qu'ils sont les seuls frôceux de la campagne. On reconnaît bien ce mauvais esprit qui se permet de qualifier tout le monde de ce qu'il souhaite. Cette pratique, jadis duopole des populistes et du Café du Commerce, s'est tout de même étendu jusqu'aux libéraux. Profondément désolant
Afin de résumer, on peut dire que nous avons eu une campagne de forme assez aberrante. Si la classe politique s'est félicitée de conduire tout le monde jusqu'au vote elle n'a offert en rien une campagne à la hauteur de l'événement. Ont toujours été préféré les petites phrases et autres insultes au réel débat. Et pourtant, il y en avait de la place pour faire un débat sur le fond.
Nous allons donc pouvoir en venir à l'étude du fond dans la campagne. Je vais me restreindre aux deux seuls partis ayant réellement fait campagne : la Ligue patriotique et le Mouvement libéral.
Commençons donc par la Ligue patriotique. Il y a de nombreuses choses à dire.
Tout d'abord on peut dire qu'ils ont réussi à sortir vainqueur d'un numéro d'équilibriste délicat et ils ont même remporté une bataille sémantique. Ils ont réussi à mettre un terme à l'idée considérant que le marasme économique frôceux était imputable à la dictature. On peut le dire notamment par l'évolution dans le discours libéral. Ceux-ci ont au début tiré à boulets rouges sur tout l'héritage de cette période pour finir par concentrer leurs critiques sur les entraves à la liberté de la dictature. Ce premier succès n'est vraiment pas négligeable mais doit être relativisé. Beaucoup assimilent encore pêle-mêle dictature, période Drouet et Ligue patriotique. On pourra parler d'une réussite pour la Ligue quand ces trois entités ne seront plus vu comme un Tout unique mais comme des entités en interaction.
Après l'analyse du discours de fond de l'équipe de Maxson est finalement assez attendu. Le diagnostic originel de la Ligue est de voir l'être humain comme mauvais et ayant besoin d'une autorité supérieure pour le tenir au calme et en paix. Cette autorité, c'est l'État. Quelques concessions ont été faites, notamment l'acceptation de la Démocratie. Cela dit le projet initial de la LP est bien de donner à l'État une présence de plus en plus importante. L'objectif de paix sociale incombe donc à celui-ci et non aux individus. L'acteur central de leur politique est donc la Société. À ce postulat originel, la Ligue a associé des idées nouvelles. Le nationalisme, le jacobinisme, le keynésianisme ou le colbertisme font partie de ses grilles de lecture. Cet héritage mixte permet deux choses essentielles à la Ligue. Premièrement, elle a réussi à construire une idéologie cohérente et utilisant ses divers appuis théoriques pour combler les lacunes de chacun de ces courants de pensée. Par exemple, les points faibles principaux du keynésianisme sont la contrainte extérieure et le long terme. Le nationalisme permet d'instaurer du protectionnisme et le colbertisme ouvre la voie à l'investissement public dans la recherche et développement pour une croissance à long terme.
Le deuxième intérêt de cette mixité est d'apparaître pragmatique. Ce pragmatisme n'est que de façade, certes, mais l'illusion peut fonctionner. Et elle fonctionne d'autant plus que la Ligue patriotique a refusé de se classer sur l'échiquier politique. Si elle s'est maintes fois levé contre le gauchisme elle ne s'est jamais réclamé de Droite. Quand on questionne Maxson, Cossac ou Ervhart ils vous diront qu'ils sont frôceux ou patriotes mais ne se revendiqueront pas d'une idéologie. Et c'est là encore qu'ils se présentent comme pragmatique. Ils se mettent en opposition à leurs concurrents en prétendant servir l'intérêt de la Frôce. La réalité, parce qu'il faut tout de même le savoir, c'est que la base idéologique de la Ligue ne laisse pas le moindre doute. En réalité, elle a un idée bien clair de ce que qu'elle veut mettre en place et ne fait qu'utiliser des théories qui peuvent servir son plan initial. Le seul pragmatisme de la Ligue est sur les moyens utilisés, pas sur l'objectif.
Pour le reste, un discours attendu. Moins d'immigration, plus d'identité. Moins de préventions, plus de répression. Moins de taxes, plus de dépenses publiques. Moins de commerce, plus de frontières. Un classique du genre. Étant donné que mon objectif est uniquement d'analyser le discours, je n'irai pas dans une critique de celui-ci. On peut simplement conclure que la cohérence interne de la Ligue patriotique est certainement sa plus grande force.
Intéressons-nous au Mouvement libéral.
Les libéraux ont été, incontestablement, la force la plus présente dans cette campagne. Avec un slogan plutôt bien choisi et en affichant une volonté de changement. Leur souci essentiel , finalement, c'est bien qu'ils sont libéraux. En proposant un programme de désengagement de l'État et d'ouverture au libre-échangisme, ils nous conduisent vers un choc évident. Il faudra alors soit prolonger et aller toujours plus loin soit reculer. Le prolongement impliquerait de transformer toute la structure économique de la Frôce pour un résultat peu évident. Le recul nous contraindrait à nous désengager d'avec nos nouveaux partenaires et conduirait à des sanctions contre la Frôce. Vous l'aurez compris, le projet économique libéral n'est pas la panacée. Il repose en outre sur une analyse profondément fausse de l'économie sous la dictature.
En refusant idéologiquement de mettre en avant la réussite des politiques keynésiennes de Charles Lacroix-de-Beaufoy et l'échec des politiques de libéralisation progressive de Drouet, les libéraux ont tenté de réécrire l'histoire. Ceci mis à part, il faut également constater que sous ses apparences bonhomme, le ML n'a rien à envier aux libéraux les plus acharnés. Flexibilité, individualisme, défiscalisation, privatisations… un réel programme de casse sociale. Le ML, c'est également l'expression de la plus exécrable forme de discours bien-pensant. Après avoir montré la nécessité des individus d'être libérés on en appelle à la casse de l'État et à la transformation du lien social par le prisme d'une économie concurrentielle.
Finalement, le projet du ML est profondément utilitariste. Ils défendent une Société organisée autour du cercle économique (Production, revenus, consommation, etc…). Ils invitent donc à créer un climat où l'individualisme et la concurrence généralisée sont sensés apporter l'abondance qui garantira la paix sociale. À titre personnel je critique l'objectif des libéraux et leurs outils. Je pense que cet économisme qui caractérise le ML plus que la LP fait fausse route et ne permet pas de créer une Société de progrès.
Il faut toutefois reconnaître une cohérence parfaite aux libéraux dans leur projet.
Cela dit, leur victoire aux élections est-elle réellement significative ? Ce que les frôceux veulent, est-ce vraiment le projet libéral ? Je pense que ma découpe du clivage frôceux entre deux partis réellement forts peut suffire à répondre "non".
J'en viens donc maintenant, à ma thèse essentielle : la structure politique frôceuse est encore profondément lacunaire.
À ce jour, seuls deux partis se sont réellement engagé dans une campagne digne d'une démocratie. On pourrait croire qu'il existe une opposition telle entre ces partis que le bipartisme serait acceptable. Il n'en reste pas moins vrai que la Gauche et la droite conservatrice n'ont pas encore de réels choix. J'en viendrais donc à une thématique reprenant un concept qu'il convient d'user avec parcimonie : le marché politique. Celui-ci voit un réel écart entre la demande (les attentes des citoyens) et l'offre (les propositions des politiques). Ainsi, toute la pensée de Gauche a été abandonnée lors de ces élections. En définitive nous avions uniquement le droit à un duel dans les manières de prolonger l'échec. L'échec réactionnaire avec la Ligue patriotique, l'échec moderne avec le Mouvement libéral. Il n'y avait aucune place pour les tenants d'une pensée alternative capable de dépasser les limites de ces deux horreurs. Alors, entre une extrême droite dure et assez effrayante et des libéraux promettant la démocratie, nombre de citoyens ont opté pour Lacroix en un mot contre la croix en deux mots.
Car l'analyse de l'activité de la Gauche fait mal. Si la candidature de Makhno avait quelque chose de rafraîchissant et d'atypique en comparaison de la social-démocratie européenne, le Rassemblement socialiste reste un parti profondément mou. Il n'y a que de la soumission aux idées libérales dans le discours d'un GKD. Dans le même temps, les communistes ont été incapables de réellement attirer à eux. Ils sont en prime victimes, déjà, d'apparentes divisions sur les aspirations générales. Hélène Le Menn se voit plus comme une écolo, Mauro Garibaldi est un authentique communiste. Et le plus beau est à venir. Ni les socialistes ni les communistes ne semblent réellement prêts à s'allier ! L'idée de voir la Gauche se rassembler apparaît bien difficile à concevoir aujourd'hui, GKD critique plus les communistes que les libéraux. Dans le même temps, Hélène Le Menn participe à un Gouvernement libéral !
Il faut donc dresser un bilan. La Gauche n'est pas encore née en Frôce. Tant qu'elle sera inexistante, on assure à jamais la victoire des libéraux qui pourront jouer le beau rôle contre la Ligue patriotique et son discours caricatural.
Cette conséquence doit nous faire nous interroger profondément. Est-ce réellement ça la démocratie ? Je pense, clairement que non. Outre les limites intrinsèques à la démocratie représentative (carriérisme, clientélisme, lobbying, dotation du pouvoir aux partis, recul de la place du peuple dans les décisions…) on en rajoute une essentielle : un pluralisme très limité. Dès lors, une frange importantissime de la population se retrouve sans représentation possible. J'ai évoqué le sort de la Gauche, mais on pourrait également très bien s'interroger sur la représentation des conservateurs. Le fait est qu'il y a un grand besoin de reconstruction politique et d'implication du citoyen. Il faut pour cela des militants de conviction pouvant créer différents partis et des politiques privilégiant l'expression populaire. Ni la LP, ni le ML ne proposent ceci.
Et voilà comment on en arrive à l'aberration gouvernementale que nous a concocté Christian Valmont. Pas peu fier de lui, le nouveau Premier ministre a proposé une tambouille inqualifiable. On a beaucoup insisté sur l'incohérence interne, j'aimerai soulever deux autres points : la tentative de structuration de l'actuel pseudo-clivage politique et l'arrangement avec des règles démocratiques essentielles.
Un Gouvernement aux allures de bordel rassemblant tout le monde sauf la Ligue patriotique n'est pas anodin. Les libéraux nous font le coup de l'union nationale… libérale. Nous avons réunis tout les gentils anciens résistants contre les méchants pro-dictature. Le clivage risque d'en rester là et de continuer à faire stagner la qualité du débat politique frôceux. Tant que l'on en restera à un positionnement vis-à-vis du passé, on ne pourra pas distinguer de projets d'avenir. Les libéraux rassemblent ainsi et profitent de leur position de force pour imposer le programme.
On en arrive là à un arrangement avec les règles démocratiques. Parce qu'en vassalisant d'autres partis au sein du Gouvernement, les libéraux permettent de faire taire l'opposition. Près de 40% des députés communistes ont approuvés un Gouvernement dont la priorité économique était la privatisation massives d'entreprises jusqu'alors publiques ! On peut en ricaner, cela m'inquiète plutôt ! L'union nationale est un mythe et particulièrement de nos jours.
Alors je ne vais pas vous présenter maintenant la somme de recettes culinaires pour prendre en main la politique frôceuse. Il conviendra simplement que le bilan rapide de notre nouvelle démocratie nous laisse sur notre faim.
Nous avons eu droit à une campagne privilégiant largement les petites phrases aux véritables débats de fond. Deux partis de Droite ont une activité satisfaisante, les autres tendances sont bien moins exposées. Il n'existe pas encore une véritable Gauche en Frôce et l'union des deux partis fantoches actuellement créés semblent particulièrement délicate. On organise un clivage et un débat politique non pas sur les positions respectives de chacune des tendances, mais sur une sorte de référendum "pour" ou "contre" la Ligue patriotique. Enfin, le Mouvement libéral a une attitude expansive et n'hésite pas à débaucher des personnalités même,communistes afin d'appliquer un programme libéral… une attitude vraiment discutable.
Il ne s'agit pas de s'emballer, mais la réalité est que notre jeune démocratie a encore besoin de se constituer. La priorité reste, à mon sens, qu'une force de Gauche explose enfin. Elle pourrait dégonfler la baudruche libérale et imposer un nouveau clivage qui impliquerait donc une élévation du discours général (qui serait, je le pense, fatal à la Ligue patriotique).
D'où l'intérêt suprême qu'ont les citoyens de toutes les tendances à s'engager politiquement : afin d'affirmer notre démocratie.
Je vous remercie de m'avoir écouté, nous pouvons désormais passer à la phase de débat et de questions.