[RP] Arrivée inattendue

[Jacques Richard]

Ce soir Jacques avait pris l'initiative de rendre une petite visite au Palais d'Anthelme, histoire d'avoir une discussion avec le président de la République au sujet de l'actualité politique économique et sociale mais aussi des projets où l'attention de l'Assemblée serait requise, c'était important d'en parler surtout après le soutien d'un certain nombre d'adhérents du Mouvement Libéral quant à l'appui sur la création d'un groupe de la majorité présidentielle et parlementaire ainsi qu'à sa désignation à la tête de ce même groupe. Il était le patron des députés ML, du moins il disposait d'une position d'influence et ses prérogatives s'étendraient vers la communication entre les députés, les échanges vis à vis de l'action gouvernementale et les sujets nationaux et d'actualité. C'était surtout l'occasion de façonner le métier car la fonction de président de groupe parlementaire n'était jamais auparavant exercée en Frôce et c'était l'occasion d'en présenter les rouages.

La voiture de fonction se gara tranquillement sur le perron du palais faisant vibrer le gravier en attirant toute l'attention des officiers protocolaires.
La portière arrière s'ouvra et Jacques pu contempler un beau ciel étoilé. Il referma le troisième bouton de son costard puis, dossiers en main, s'avança vers l'entrée du Palais en saluant poliment les membres de la garde républicaine d'un hochement de tête.

<< Informez le président de mon arrivée, j'ai à lui parler, c'est nécessaire.>>, il n'avait pas employé le terme d'urgence car ça n'en était pas une. Il lui fallait néanmoins l'attention du président et c'était le moment de la journée où il pouvait souffler après une dure matinée passée sous les ailes des rebondissements de l'actualité tant nationale qu'internationale et des échanges courtois ou houleux qu'il aurait pu avoir avec untel ou un autre.
21h30 indiquait sa montre, il pensait en ce moment même à l'entretien qu'il devrait avoir le lendemain matin au sein de son ministère de tutelle pour présenter un compte rendu sur son travail, surtout qu'il avait affaire en coordonnant la création du MNEF, syndicat patronal et de son entreprise, pour cette dernière il recherchait de potentiels investisseurs privés au vu du cruel manque d'organismes de prêts. Actif, sur tout les fronts et débordé, il restait néanmoins doué pour la communication sans doute grâce à ses études de droit. Le travail acharné lui plaisait, ça lui permettait de donner un sens à sa vie.

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

21h, c'était l'heure approximative à laquelle Louis-Damien arrêtait de travailler à son bureau en général. Il passait sa journée à téléphoner à se déplacer à Aspen pour s'assurer que le travail avançait bien. Déjà 2 semaines de mandat et telles des fourmis, ses ministres n'en finissaient pas de prendre les devants pour faire appliquer le programme. Il n'en était pas peu fier, au contraire. Il appréciait grandement toute la rigueur de son équipe. C'était donc au terme de ce travail quotidien auquel il avait été élu, que le Président de la République, avait été prendre un bain tiède. Rien de tel pour se détendre. Il n'y avait pas meilleur moyen pour le satisfaire. A vrai dire, depuis le temps qu'il était à ce poste, il languissait la fin de sa journée pour pouvoir profiter de cette baignoire confortable et des différents dispositifs massants, sans oublier les huiles essentielles, évidemment... Une vie de chateau ? Peut-être. En tout cas, il y avait tout le confort que l'on peut espérer. Louis-Damien ne comptait plus le temps. Il sortit de son bain vingt minutes plus tard, l'eau commençant à devenir froide. Après s'être rincé et avoir enfilé son peignoir, il entreprit de se raser. Oh, ce n'était pas pour les poils qu'il avait sur le visage. Il était blond, cela ne se voyait pratiquement pas, s'il omettait de se raser. Alors qu'il était occupé à la tâche, il se rendit compte qu'il avait oublié sa lecture du jour dans son bureau... Zut...

La mousse encore présente sur le visage, il descendit les marches et se dirigea vers son lieu de travail, un bureau aux parures et aux boiseries splendides. Il entra dedans par la porte de derrière et alluma la lumière. Il se dirigea vers les tiroirs et les ouvrit un à un. Il ne le retrouvait pas. Il chercha pendant cinq longues minutes, lorsque la porte principale du bureau s'ouvrit. Il resta surpris, lorsque l'un des gardes républicains entra, accompagné de Jacques. Il était en peignoir ! Et avec rien dessous par dessus le marché ! Il resta incrédule, ne sachant s'il devait crier "dehors" ou s'éclipser un moment pour se mettre dans une tenue décente. Le garde républicain parut gêné mais attendit les ordres. Louis-Damien se râcla la gorge :

- Je... euh... je... ne savais pas que j'avais un rendez-vous... hum... installez-vous, je reviens dans quelques instants, histoire de... d'avoir une tenue présentable...

Il fit les gros yeux au garde républicain et s'éclipsa par la porte de derrière, laissant le livre qu'il était venu chercher sur le bureau. Finnegans Wake de James Joyce. Il monta les marches quatre à quatre entra dans la salle de bain et se vit dans la glace. Il ressemblait presque au père Noël avec ce truc blanc autour du menton... Il se rinça, il continuerait plus tard. Il se dirigea vers sa chambre, enleva son peignoir et s'habilla en vitesse. En l'espace de deux minutes, il était prêt. Il fit rapidement un noeud à sa cravate et ajusta son col. Il redescendit, arriva devant la porte, se coiffa rapidement avec ses mains et entra une nouvelle fois dans ce bureau où Jacques l'attendait. Inutile de dire qu'entre l'homme en peignoir et l'homme en costard, il y avait une grande différence. Louis-Damien dégageait une certaine aura, il était très calme, très serein, loin de la panique de l'homme pris en tenue peu présentable. Il serra la main de Jacques, qui apparamment s'était levé à son arrivée.

- Asseyez-vous. Excusez-moi, pour tout à l'heure, je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un rentre, pour tout dire, ce rendez-vous étant tout à fait imprévu, j'avais pris mes aises.

Il lui fit un sourire cordial, s'installa sur son siège et observa le seul secrétaire d'Etat du Gouvernement. S'il était là, si tard, ça devait être pour une raison précise, et urgente...

- Vous désirez quelque chose à boire ? Je pense que nous avons de tout, café, thé, pression, whisky, eau plate, eau gazeuse... ce Palais est mieux fourni qu'un hôtel 5 étoiles. Alors, quel bon vent vous amène, à une heure aussi tardive ?

[Jacques Richard]

Si 21h était pour le président, une heure si tardive, Jacques comprit qu'il n'avait pas affaire à un couche-tard. Après lui avoir serré énergiquement la main, le secrétaire d'État murmurait doucement comme pour indiquer son respect et sa gêne "Bonsoir Monsieur le président".
L'officier protocolaire qui avait plus tôt annoncé "Monsieur le Secrétaire d'État", se dirigea vers la sortie dès qu'il comprit que la discussion n'avait rien de publique ou d'officielle. C'était tout naturel bien évidemment.

- Tout d'abord monsieur le président je tiens à vous présenter mes excuses, j'ignorais que vous en aviez fini avec la vie publique et je souhaite sincèrement vous confier le profond malaise que je contracte face à mon attitude, ce n'est pas mon habitude de me montrer aussi peu courtois.

Ensuite il esquissa un sourire comme pour tourner la page, et donna une réponse à sa question :

- Je veux bien pendre un peu de café, la nuit sera longue pour moi et le réveil n'en sera pas moins douloureux. Je me dope donc, fit-il avec un léger sourire en ne perdant pas des yeux Louis-Damien.

Conscient qu'il devrait assumer sa décision et que s'il prétendait que son arrivée n'avait rien d'urgente, il serait ridicule, Jacques confirma l'urgence de l'entretien en pensant qu'après tout, nombreux sont les thèmes et ô combien les crises face auxquelles il faudrait faire face.

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

- Allons, allons, ce n'est pas grand chose. Le hasard, la situation, vraiment, ne vous en faîtes pas pour si peu. Si je puis vous raconter une anecdote, lorsque j'occupais mon appartement à Vauxin, j'ai plusieurs fois eu la malencontreuse idée d'aller chercher mon courrier en peignoir, sans penser à m'habiller. Un jour je me suis retrouvé sur le pas de ma porte, coincé à l'extérieur parce qu'un petit malin avait tenté de forcer la serrure. Il a fallu que j'aille chercher un voisin dans cet accoutrement pour lui demander d'appeler un serrurier... Et que j'attende que ce dernier ait terminé pour pouvoir m'habiller. Comme vous voyez, j'ai connu plus grave, ne vous en faîtes donc nullement pour si peu.

Il fit un sourire amusé et décrocha son téléphone. Il tapa 100 sur les touches et resta silencieux jusqu'à ce qu'on décroche :

- C'est moi. Mireille, pourriez-vous nous faire apporter un café bien chaud, avec du sucre à part et pour moi un chocolat tiède... voilà oui... et puis ajoutez quelques biscuits de circonstance. Très bien, je vous remercie.

Il raccrocha. De tout le personnel qu'il avait été amené à cotoyer, Jacques lui paraissait le plus maigre. Des fois, il avait l'impression que l'homme allait craquer sous le poids de la pression et du lourd travail qui l'attendait. C'était tout naturellement qu'il avait demandé les biscuits. Généralement, il allait dans les cuisines livre à la main pour récupérer deux ou trois mets, histoire de bien manger. Il déclara à l'attention du secrétaire d'état :

- Vous devriez envisager de dormir et de vous reposer, vous savez. Je ne voudrais pas vous donner l'impression désagréable de vous exploiter et de vous essorer plus que de raison. Mais justement, vous allez profiter du temps que vous êtes ici pour vous permettre un encas, je vous trouve un peu fatigué, et c'est de mon devoir de veiller sur les membres du Gouvernement. Alors, de quoi vouliez-vous me parler, Jacques ?

[Jacques Richard]

Jacques esquissa un nouveau sourire.
- Dans ma jeunesse et plus particulièrement mon adolescence, j'ai beaucoup trop abusé de sucreries et de pâtisseries en tout genre, aujourd'hui je fais attention même si je dois avouer que je mange très peu la journée, d'ailleurs je ne prends que deux repas par jour, mon petit déjeuner et mon dîner, durant le déjeuner je préfère m'installer tranquillement au bureau et travailler.
Ne vous inquiétez pas, vous ne m'exploitez pas car tout mes efforts ne s'adressent uniquement qu'à la Nation, sachant bien sûr que vous demeurez l'interprète de ses aspirations et de ses idéaux en tant que représentant de notre république.

Pour répondre à la question de Louis-Damien, Jacques demanda d'abord à ce qu'ils s'installent tranquillement et se mettent à l'aise, ce à quoi le président émis un avis favorable. Bien installés, Jacques commença à discuter sérieusement, de politique bien sûr.

- Pour commencer je souhaite vous donner un peu plus d'informations sur ce qui fut discuté dans les locaux du Mouvement Libéral au sujet de la lettre envoyée à notre confrère et ami Vincent...

Il commença à baisser d'un ton, comme pour éviter les éventuels indiscrets :

- Il ne faut surtout pas négliger la menace, le membre de l'extrême gauche en question qui a dévoilé les rouages de la stratégie machiavélique des communistes avait dévoilé dans sa missive que toute la gauche envisageait de stopper la production en incitant les entreprises à s'opposer aux projet sur les privatisations que vous estimez aussi bien que moi essentiel.
Pour contrecarrer la menace, j'ai fais appel, par le biais de mon ami Melchior Uranziaga, à l'ensemble des entrepreneurs pour rejoindre le mouvement national des entrepreneurs frôceux.
Ce mouvement, et je m'en porte garant, ne visera certainement à demeurer le satellite du Mouvement Libéral car il est et reste indépendant, seulement je compte faire appel aux autres patrons pour les inviter à soutenir le projet , une simple rhétorique pour convaincre car la politique c'est surtout cela et aucunement des magouilles, des bassesses et des boycotts illégaux comme se veut responsable l'ensemble de la gauche .
Il est important de mettre les patrons d'entreprise de notre côté et non sous notre aile comme beaucoup voudront l'interpréter et ceci pour éviter une vague de mobilisations sociales qui risqueraient à terme de noyer notre côte d'approbation et de soutien vis à vis de notre politique. L'opinion publique ne devant pas être déçue car même si nous disposons d'une majorité favorable, le tout sera de gagner la confiance des frôceux.
Ma fonction de président des députés ML me permettra aussi d'appeler solennellement les députés à soutenir sans restrictions le projet de Vincent Valbonesi, j'ai une entrevue avec Charles demain matin et, après les discussions essentielles sur mon boulot de Secrétaire d'État, je l'inciterais à soutenir la loi et naturellement, je pense avoir son aval.
Il ne faudrait pas rater l'entrée en vigueur d'un tel texte aussi vital et nécessaire pour le pays car comme on l'a si bien expliqué, il permettra d'accroître le budget de l'État et de favoriser le dynamisme des entreprises privées frôceuses comme il permettra de nombreux avantages économiques. Mais voilà, il ne faut plus que ce soit théorique, il faut aussi l'application des privatisations.

Voilà pour la première des choses, j'ai souhaité commencer par ce sujet car la polémique ne doit pas l'enrayer et l'asphyxier, mais j'ai grandement confiance en votre efficacité. Vous saurez y faire face.

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

Louis-Damien écouta attentivement les propos de Jacques. Il était vrai qu'il avait voulu en savoir plus sur cette affaire. Le Président le laissa poursuivre sans l'interrompre. Il appréciait ce côté direct et entreprenant. Il sortit une enveloppe de son tiroir, une lettre écrite par Melchior lui-même. Lacroix avait craint que l'ex-militaire ne veuille ébruiter le dossier de la Veilleuse le concernant et qui était toujours en sa possession. En vérité, non. Il lui avait demandé de participer à l'avènement de ce nouveau syndicat des patrons. Cela l'avait quelque peu étonné, il préférait avoir la confirmation. Il montra la lettre à Jacques :

- J'ai reçu cette correspondance de Monsieur Uranziaga, où il me proposait, via une lettre type, évidemment, de me joindre à la fondation de ce syndicat.

Il marqua un silence le regard impassible et reprit sur un ton neutre :

- En vérité, ce "complot" est assez risible finalement. La gauche n'a pas eu le pouvoir par les urnes, elle cherche à l'avoir en s'opposant à toutes les entreprises libérales. En somme, on a une opposition virulente, qui casse du libéral et fait le jeu des patriotes. Finalement, c'est à se demander si l'on peut continuer d'imaginer une ouverture pour travailler ensemble. Quoiqu'il en soit, leur mutinerie est un coup dans l'eau, si elle est avérée. Ce n'est pas que je n'accorde pas de confiance à Henri Bonneuil, mais j'ai quand même tendance à avoir de sérieux doutes sur la véracité de ses propos, tant il m'apparait comme un personnage instable, et d'ailleurs, assez girouette. Certes, il demeure un communiste ouvert, plutôt en phase avec nous et ça, je sais que ça fait grincer des dents, à gauche mais aussi dans notre propre camp. Un communiste ouvert qui accepte de travailler avec des libéraux, certains pensent que c'est une manoeuvre pour museler l'opposition, d'autres que c'est une erreur "idéologique". Je ne nommerais pas ceux qui ont critiqué ce choix.

Son regard se fit pétillant. Nul que Jacques saurait de qui il parlait. Louis-Damien n'était pas du genre à laisser planer de doute dans ses insinuations. Il poursuivit, très calme :

- La gauche veut faire la grève des productions ? Qu'elle la fasse... elle oublie deux choses essentielles, c'est que l'Etat a le contrôle des entreprises. Par conséquent, tous, autant qu'ils sont, sont sur un siège éjectable. Ce serait dommage pour eux, que l'Etat ait la nécessité de les mettre au chômage, mais je n'hésiterais pas à en faire la demande si des inconscients veulent mettre en péril nos entreprises et notre économie, pas si bien portante que ça. Ensuite, nous avons aussi le salaire. Pas de travail, pas de salaire, il n'y a pas écrit Père Noël ou Vache à lait sur notre casquette. C'est aussi simple que ça. La gauche pense peut-être qu'elle va contrôler la situation mais c'est faux. Et en continuant à s'opposer aveuglément, elle ne nous laissera pas d'autre choix que de l'écarter politiquement parlant.

On frappa à la porte. Louis-Damien demanda d'entrer et une jeune femme apporta un plateau avec le café et le chocolat chaud, tous deux versés dans deux superbe tasses en porcelaine de Chine. Le Président la remercia et plaça la tasse sur une sous-tasse devant Jacques, ainsi que le sucrier et la petite assiette de gâteaux très bien présentée. Il poursuivit, prenant lui-même sa tasse de sa main gauche.

- Pour en revenir au projet de privatisation, Vincent est en concertation avec les syndicats. Je ne lui ai pas donné de consigne spécifique, hormis celle de ne pas engendrer un conflit social de longue durée ou violent. Bien sûr, nous ne pouvons pas spécialement savoir ce que les syndicats vont exiger mais ce projet passera, j'en suis sûr, sans problème. Avec probablement quelques compromis... en tout cas, je suis satisfait personnellement de voir qu'un syndicat de défense du patronat se créé, c'est un avantage pour la pluralité syndicale, que nous défendons ardemment, au Mouvement Libéral. Néanmoins, au vu de mon poste actuel, je ne peux publiquement me réjouir pour une autre raison ni l'aider financièrement. Je pense qu'il n'appartient pas à un Président de la République en exercice de financer telle ou telle organisation, ayant constitutionnellement, un devoir d'unité nationale, à préserver. Je crains que vous n'ayez à faire sans moi, en tout cas dans la lumière des projecteurs, même si de façon privée, je soutiens tout à fait votre initiative.

[Jacques Richard]

- Bien entendu je comprends aisément la chose et d'ailleurs vous avez tout comptes faits raison. Il est évident que les entreprises sont nationales et que seule la loi les privatisant pourrait inciter les rouges à faire appel aux patrons, et déjà auront-ils eu entièrement le temps de pester contre la gauche puisqu'elle n'aura pas soutenue le projet en question.

Jacques se servit et après avoir mélangé le sucre dans le café, continua :

- Il se fait tard, je n'ai pas envie de vous importuner encore plus car je pense l'avoir déjà assez fait et je m'en excuse sincèrement.
Ah.. et au fait, faites attention à Hélène Le Menn, bien que vous ayez eu l'approbation des députés, vous devriez vous méfier d'elle lors des réunions ministérielles car sous son regard angélique pourrait se cacher une machiavélique gauchiste et j'ose espérer que l'amitié qui semble être la vôtre n'aura aucune influence sur votre politique. Je vous arrête toute de suite, je me fiche de vos affinités ainsi que celles de mon chef (Christian), je souhaitais juste être franc avec vous et vous transmettre sincèrement l'inquiétude de quelques députés, notamment ceux qui ont hésité lors du vote de confiance mais heureusement et j'espère avoir raison, ça ne reste que strictement privé. J'espère également que c'est le cas pour Christian, il est assez intelligent d'ailleurs mais l'amour fait des siennes et rend fou parfois, j'en ai moi même fait les frais... bonne soirée. fit il avec sourire. Ce n'était pas un sourire sardonique ou malsain, c'était surtout un sourire annonciateur doué d'une mise en garde.
Jacques avait pour habitude d'être maladroit mais le ton qu'il a employé cette fois ci s'efforçait de faire comprendre qu'il n'avait aucune gêne ou rancœur vis à vis de ses deux chefs, il souhaitait surtout empêcher le désastre...

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

- Ma foi, vous savez les députés libéraux votent en leur âme et conscience. J'ose espérer qu'ils ne commettront pas la même erreur que la gauche et qu'ils resteront unis. Si ça n'est pas le cas, je ne pourrais pas y faire grand chose en tant que Président de la République, si ce n'est me conformer à la majorité de l'Assemblée Nationale. Si le Mouvement Libéral se divise, nous aurons de fortes chances de perdre cette majorité.

Il ne cilla pas et se contenta d'un sourire de circonstance. Difficile de dire si cela l'inquiétait ou pas. Il ajouta, toujours sur le même ton, inébranlable :

- Quant à Mademoiselle Le Menn, je n'ai pas oublié son étiquette politique. Je sais pertinemment qu'elle est communiste. En revanche, puisque je vous ai devant moi, je préfère couper court à cette "rumeur", vous pourrez rassurer nos députés. Premièrement, nous ne sommes pas amis avec Mademoiselle Le Menn, nous nous connaissons pour avoir eu une affaire privée, qui ne concerne personne d'autre que nous-même, elle, surtout. La raison pour laquelle elle a été nommée au Ministère du Développement Durable a été basé sur un choix d'ouverture, vis à vis des communistes. Et parce qu'à cette période-là, il était impossible de ne pas concevoir une ouverture, étant donné que la plupart de nos membres étaient occupés par des postes. Cette nomination, j'ai insisté auprès de Christian, je ne le nie pas, pour qu'il l'accepte. Je pense que ce choix, ne concerne que le Président et son Premier Ministre, puisque la Constitution leur attribue à eux deux la nomination des ministres. Aussi, je ne pense pas avoir de compte à rendre, d'où ma non-intervention sur ce sujet qui a pris des proportions absurdes. Et je continuerais dans cette voie, n'ayant toujours aucune raison de justifier mon choix.

Il but son chocolat chaud et reposa la tasse vide sur la sous-tasse. Le regard posé sur son interlocuteur, ne le quittant pas des yeux, il poursuivit :

- Je crois que nul n'a à s'inquiéter quant à nous. Christian et moi-même sommes adultes et nous savons différencier vie privée de vie professionnelle. D'ailleurs, je crois que votre accès à la salle du gouvernement, vous laisse entrapercevoir toute la compétence de ce Gouvernement et tout le travail qu'il abat au quotidien. Faire abstraction de cela serait bien dommageable... Mon propos va vous paraître peut-être idiot, Jacques, mais je ne vois pas réellement en quoi le vote indépendant des députés ML, l'affaire Le Menn et la vie privée de Christian, relèvent de l'urgence. A vous entendre, j'ai la vague impression que vous êtes pessimiste, à moins que vous n'ayez des éléments corroborant votre inquiétude ?