Le 20 heures« En aucun cas, contrairement à ce que j'ai pu voir, je n'ai baissé mon pantalon devant le Premier ministre russe »Invité : M. Charles de la Tour, ministre des affaires étrangères
L’invité du journal de 20 heures de Canal 4 est M. Charles de la Tour, ministre des affaires étrangères. M. de la Tour, merci d’avoir accepté notre invitation.
Bonsoir Mme Savary, c'est moi qui vous remercie de votre invitation.
Depuis la semaine dernière, vous êtes au cœur d’une polémique majeure pour votre Gouvernement, votre discours aux Nations Unies fait encore parler de lui. Il a été bien reçu dans le fond mais pas dans la forme selon une très large majorité de diplomates étrangers qui se sont exprimés sur le sujet. Regrettez-vous aujourd'hui d’avoir utilisé certains mots à l’endroit de deux grands pays comme la Chine et la Russie ?
Je me suis rendu en fin de semaine dernière pour mettre un terme au malentendu avec la Russie. Nous avons eu une discussion franche et honnête et j'ai profité de cette occasion pour affirmer au Premier ministre russe que je regrettais les mots employés tout en l’appelant à appeler le président syrien a accepté une table ronde entre lui et les opposants syriens. Aujourd'hui, nous devons trouver une solution diplomatique à la guerre civile en Syrie. Les interventions armées ne semblent pas être la bonne solution, ni les envois d'armes que ce soit du côté des rebelles ou du côté du gouvernement syrien. Nous prônons la discussion, la résolution par le dialogue et non pas la résolution par la force et le conflit armé. Cette rencontre avec M. Medvedev a également été l'occasion de renforcer les liens entre nos deux pays.
L’objet de votre visite surprise et expresse en Russie consistait plutôt dans une volonté d’apaiser les relations bilatérales entre nos deux pays ou bien d’éviter à la Frôce la rupture de l’accord obtenu par l’un de vos prédécesseurs, M. Carapin ?
Je vous mentirai si j'affirmais que cette visite surprise n'a pas un lieu avec la menace de rupture de l'accord mis en place lorsque M. Carapin était au poste que j'occupe aujourd'hui. La Russie nous menaçait de mettre un terme à l'accord obtenu par M. Carapin à la suite de ce malentendu. Le gouvernement russe risquait de mettre un terme à l'accord sur les prix du gaz : avec cet accord, les Frôceuses et les Frôceux avaient vu leur facture de gaz baisser. Bien sûr, je ne m'attendais pas à de telles représailles et il a bien fallu que j'assume mes responsabilités et que je me rende en Russie dans les plus brefs délais afin d'avoir une discussion franche et sincère avec M. Medvedev. En aucun cas, contrairement à ce que j'ai pu voir, je n'ai baissé mon pantalon devant le Premier ministre. Chacun de nos côtés, nous avons fait valoir nos idées et nos positions concernant la Syrie. Cet entretien a également été le moyen de préserver les relations qui lient nos deux pays depuis M. Carapin. Nous avons convenu donc de la signature d'un nouveau traité pour deux objectifs : apaiser et renforcer nos relations bilatérales tout en faisant en sorte de ne pas mettre un terme à l'accord obtenu précédemment.
Venons en plus maintenant au conflit syrien. Vous prônez une intervention des nations occidentales en Syrie pour mettre fin à la guerre civile qui oppose les rebelles aux loyalistes du Président Bachar Al-Assad. N’estimez-vous pas, comme bon nombre de personnalités politiques modérées occidentales que cette guerre civile ne doit pas regarder d’autres nations si ce n’est les syriens eux-mêmes ?
Tout d'abord, une précision. Je ne souhaite pas une intervention militaire dans ce pays et je ne souhaite pas non plus que l'on fournisse des armes à telle ou telle partie. Il y a quelques jours, les Amis de la Syrie, réunis à Doha, ont décidé de fournir des armes aux rebelles. De son côté, la Russie envisage de fournir une nouvelle fois des armes au régime de Bachar Al-Assad. A l'intervention militaire, nous souhaitons une intervention diplomatique, le dialogue. La Frôce n'est pas une nation colonialiste, un pays qui s'intègre au conflit à l'intérieur d'un pays. Cependant, nous devons ne pas oublier les civils qui souffrent, les civils qui ne sont ni dans un camp ni dans l'autre. De nombreux syriens quittent leur territoire pour rejoindre les pays frontaliers, et notamment le Liban. Ce n'est pas d'une aide militaire dont la Syrie a besoin mais c'est d'une aide humanitaire. Alors faut-il fournir du matériel hospitalier, du matériel sanitaire, des médicaments, de l'alimentaire à la population syrienne ? C'est une voie qu'il faut étudier sérieusement. Mais en aucun cas, nous devons intervenir militairement et quand je dis militairement, c'est également en termes d’envoi d'armes. Dans tous les cas, quel que soit le camp vainqueur, la Syrie va avoir du mal à se relever de la guerre, comme c'est encore aujourd'hui le cas en Libye. Ce que nous proposons, c'est une solution pacifique et diplomatique à la crise : nous proposons que les forces en présence se réunissent aux Nations Unies, sous l'égide de l'ONU, pour trouver une solution pacifique à la guerre. Des personnalités politiques occidentales envoient et donnent des armes à la Syrie ; la Frôce souhaite davantage une aide humanitaire et une négociation uniquement basée sur le dialogue.
Il semblerait que le régime du président Bachar al Assad utilise dans des localités ciblées des armes chimiques contre les rebelles. Les Etats-Unis avaient prévenus que l’utilisation de ces armes constituait une ligne jaune avant une intervention étrangère. Mais aucune intervention ne se profile à l’horizon. Considérez-vous qu’il existe une limite à ne pas franchir pour l’un ou l’autre des deux camps ?
Vous utilisez un conditionnel. Il « semblerait ». A l'heure actuelle, je n'ai pas les mêmes informations que les Etats-Unis quant à l'utilisation d'armes chimiques contre les rebelles. Je n'ai aucune information sur le sujet donc ma réponse ne pourra être hypothétique. Personnellement, je pense qu'il est du devoir des Nations Unies de mener une véritable enquête relative à l'utilisation d'armes chimiques, on parle souvent du gaz sarin. A mon sens, l'ingérence militaire dans un pays n'a pas de sens, excepté quand cela concerne une politique mondiale. Par exemple, je pense que la Frôce a eu raison de participer à l'intervention au Mali. Cependant, je ne pense pas qu'il faille une intervention étrangère dans ce pays. Au fond, il y a une intervention du type en Libye récemment : est-ce que cela a changé quelque chose ? Bien sûr que l'utilisation d'armes chimiques dans l'un ou l'autre des deux camps est une limite à ne pas franchir, comme le serait l'utilisation de l'arme atomique si la Syrie en était doté. Mais, à l'heure actuelle, l'intervention militaire n'a, à mon avis, aucun sens et ne modifiera pas vraiment le rapport de forces entre les deux partis. Parce que si plusieurs pays décident d'intervenir aux côtés des rebelles syriens, il est clair que l'Iran, la Russie et la Chine interviendront aux côtés du régime de Bachar Al-Assad. Et nous entrerons dans une période de guerre internationale qui causera des dommages considérables et qui détruira la cohésion du monde que tente de développer les Nations Unies.
Venons-en au conflit entre les deux Corées M. le ministre. Beaucoup de frôceux se demandent pourquoi un ministre frôceux s’occupe autant d’un conflit qui ne concerne ni la Frôce ni l’Europe et qui ne sera probablement jamais résolu par une solution pacifique. Si l’on en croit l’absence de réaction du Japon et de la Corée du Sud à votre discours, ces pays estiment qu’il n’appartient pas à la Frôce de s’occuper plus que de cela de ce conflit. Ne pensez-vous pas que des conflits plus proches de nous devraient occuper plus votre attention ?
Je ne pense pas que le ministre des affaires étrangères ne doit s'intéresser qu'aux conflits proches de son territoire. Dans ces cas-là, pourquoi s'intéresser à la Syrie alors qu'il est à des milliers de kilomètres de notre territoire ? Si l'on raisonne comme cela, à quoi s'intéresse-t-on quand nous sommes ministre des affaires étrangères ? J'aimerai rappeler que les tensions coréennes peuvent avoir un pendant internationale. Je vous rappelle que la Corée du Nord cherche à se doter de l'arme nucléaire et qu'il a menacé des territoires comme les Etats-Unis récemment en mettant en place des missiles sur ces littoraux. En 1953, les deux Corées ont signé un cessez-le-feu qui n'a jamais débouché sur un armistice total. Nous pouvons le déplorer mais il ne faut pas se résigner. Les deux pays doivent discuter, doivent développer une relation pacifique, sans pour autant être les grandes alliées du siècle, ce qui semble compliqué entre un régime communiste et un régime libérale, aux antipodes. Après, si la Frôce ne doit pas s'intéresser à ce conflit, pourquoi est-ce que des pays comme la France ou les Etats-Unis devraient le faire ? Il faut être conscient que la menace coréenne peut avoir un impact international. J'estime donc que la République frôceuse doit s'intéresser à ce conflit en appelant à la remise en place de discussions entre Corée du Nord et Corée du Sud. Un pas a été fait récemment. Cela doit aller plus loin encore et la communauté internationale doit appeler aux développements de pourparlers entre les deux régimes.
La Syrie c’est la Méditerranée, la Méditerranée c’est la Frôce M. le ministre. Vous parlez de l’intérêt porté par la France et les Etats-Unis dans ce dossier coréen. Nous ne sommes pas membre du club nucléaire M. le ministre. Mais je vous pose cette question : malgré cet intérêt, avez-vous connaissance d’un accord, d’un engagement, d’une paix ou d’une amélioration de la situation ? Avez-vous eu connaissance de la propagande de la Corée du Nord promettant le feu nucléaire aux américains ?
Exactement Mme Savary, nous ne faisons pas partie du club nucléaire. Mais est-ce que faire partie de ce club nous empêche de vouloir la paix en Corée ? Pour le moment, et je pense que tout le monde peut le voir, il y a une amélioration de la situation mais aucune paix ou aucun accord n'est pour l'instant mis en place. L'amélioration, on peut la voir par la décision de la Corée du Nord de retirer ses lances missiles, du moins une partie, de ses littoraux. L'amélioration, on peut également la voir dans la volonté des deux Corées d'engager de nouvelles discussions et dans la volonté de remettre en place le téléphone rouge qui les lie depuis les années 1950. Cependant, nous n'avons pas encore d'accords de paix ou d'engagement de paix puisqu'une rencontre a été avortée. Plusieurs pays ont été menacées par la Corée du Nord que ce soient les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon. Aujourd’hui, nous souhaitons que la situation s'apaise et que se mettent des discussions pour rétablir l'armistice, et pourquoi ne pas mettre en place un véritable processus de paix entre le régime nord-coréen et la Corée du Sud.
Considérez-vous, comme c’est traditionnellement le cas dans la classe politique frôceuse depuis le début de ce conflit, qu’il appartient à Israël d’accepter le principe concret d’un Etat Palestinien indépendant ? A ce titre, reconnaissez-vous personnellement le traité de reconnaissance de l’Etat Palestinien signé par l’ancien Président de la République Dimitri Fevernov ?
La question du Proche-Orient est complexe, comme vous le savez. Depuis quelques années, à l’initiative de M. Fevernov, nous avons reconnu la Palestine. Je ne reviendrai pas sur ce traité et j'ai eu l'occasion de le dire au cours de mon voyage dans la région, mardi et mercredi dernier. La feuille de route que m'a remise le Premier ministre souhaite que nous aidions à la reconnaissance internationale de la Palestine. La résolution de ce conflit passe par la mise en place de deux Etats : nous devons maintenir l'Etat hébreu, qui a une existence depuis les années 1940 et qui doit continuer de vivre. Nous devons protéger cet Etat des menaces qu'il peut connaître. Mais d'un autre côté, il est nécessaire de développer la politique de paix développées par mes prédécesseurs sur la constitution d'un véritable Etat Palestinien, libre et indépendant, reconnu par tous. Des étapes ont été menées depuis quelques mois au sein des Nations Unies. C'est une première étape qui en mérite d'autre. Il n'y a pas qu'Israël qui doit accepter le principe d'un Etat Palestinien indépendant. Le reste du monde doit également accepter ce principe. Mais, s'il faut écouter les revendications palestiniennes, il ne faut pas mettre de côté les revendications israéliennes. Les deux acteurs doivent être écoutés, les deux acteurs doivent être compris. En aucun cas, il ne faut jeter l'amalgame sur l'un d'eux. Des épisodes sanglants ont eu lieu entre ces deux territoires : des attaques terroristes, des massacres de masses ont eu lieu et sont condamnables. Il est temps de la réconciliation et de la poursuite du processus de paix entre les deux pays, entre ces deux territoires qui doivent vivre l'un à côté de l'autre.
Je vous remercie pour vos réponses M. de la Tour.
27/06/2013 - Charles de la Tour
- Marie-Claire Savary
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27/06/2013 - Charles de la Tour
Directrice de l’information de Canal 4
Présentatrice de l’émission politique « Le Grand Rendez-vous »
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