
Les Quartiers Nord d'Aspen. Le symbole des constructions faites à la va-vite dans tout le sud de l'Europe durant les années 60 et 70, pour accueillir l'immigration massive venue de tous ces pays devenus nouvellement indépendant. Un terreau à misère et à problèmes, qui n'accueillait plus seulement les immigrés et leurs descendants, mais aussi aujourd'hui la misère de l'intérieur. Des vieux, pour beaucoup, qui avaient eu une vie trop compliquée pour obtenir un pavillon, et qui survivaient aussi au milieu de ces tours.
Il avait du mal à comprendre, Marc. Pourquoi il était revenu ici. Il a passé des années à voyager, à fréquenter des hôtels luxueux, à Bali, à Moscou, aux Etats-Unis. Il avait passé une partie de sa carrière de boxeur professionnel à vivre dans un meublé de Las Vegas, le paradis des shows de boxe. Il avait vu de l'argent, et des gens qui en avaient. Et il avait eu de l'argent et fait partie de ceux qui en avaient. Pourquoi être revenu ici, quand bien même il avait les moyens, retraité, de s'offrir un duplex dans le centre-ville? Revenir dans cet endroit exempt de tout charme, de tout confort. Où il avait connu la misère, la violence, les petits trafics, les gardes à vue. Où il avait pu voir la mort en face.
C'est qu'aussi pourri que ce soit, c'est chez lui. C'est ici qu'il s'est fait ses amis, qu'il a eu ses premières copines. Qu'il a eu des joies, aussi, à ne pas oublier. C'est ici qu'il a connu Dieu. C'est ici qu'il a fait sa rencontre avec la boxe. C'est ici qu'il a trouvé ce qui lui a toujours donné envie de se battre, de se dépasser, de lutter. C'est ici qu'il est né, c'est sa maison. Les premières générations d'immigrés sont toujours des étrangers, ils ne sont pas vraiment de ce pays, et sont encore moins de celui de leurs parents. Alors la patrie, c'est le quartier. La misère lui a donné la force ; s'en extraire lui a permis de se construire. Maintenant qu'il était accompli, il trouvait normal d'être revenu.
Marc vit depuis son retour des Etats-Unis dans un petit pavillon d'un étage, presque collé à l'une de ces tours. À quelques mètres à pied, il a racheté en arrivant un hangar désaffecté, qu'il a réaménagé d'un côté en centre de création-production pour sa marque de sport Skipion, et de l'autre côté comme une salle de sport de combat. D'un côté, il peut engager une petite dizaine de jeunes du quartiers, et de l'autre il peut essayer d'en défouler ou canaliser par le sport. Si les finances étaient meilleures, il aurait presque pu réussir à être content de lui.