[Résidence - Alexian d'Amplepuis] Villa Aubépine

[Alexian d'Amplepuis]

- Oh ... Vous devez être une personne dotée d'une grande culture et d'un intérêt pour beaucoup de choses. On ne devient pas Directrice d'une Bibliothèque Nationale sans cela. Et je ne peux que saluer la réussite de la consoeur que vous êtes alors ! (Il applaudit.)
Vous me demandez par ailleurs si j'aime le sport ... Mais bien sûr que j'aime le sport ! J'essaie de pratiquer régulièrement l'aviron. Je pense qu'il n'est pas de sport plus complet, me disait mon honorable père ! J'ignore s'il avait raison, mais je prends en tous cas plaisir à survoler le Prôlin, qui coule juste en contrebas, avec mon skiff, dès que je peux.

Il mima vaguement les mouvements des rameurs, en souriant allègrement à Niahm qui semblait apprécier le spectacle. Puis il ajouta :

- Vous parlez de rugby, et vous ne vous y trompez pas, d'ailleurs. Durant mes jeunes années - qui sont loin, malheureusement ! - (il sourit) je pratiquais l'art de l'ovalie ! Rien de bien surprenant, au demeurant, quand on est un sujet de la couronne britannique. J'ai joué en France, dans le Beaujolais, mais aussi en Ecosse, où je fus un Ouvreur somme toute modeste, pour l'équipe de l'Aberdeen Grammar. Sans vous mentir, c'est une équipe très peu en vue, mais avec laquelle (on sentait une certaine fierté dans sa voix) nous avions remporté le Championnat de troisième division en 91.

Alexian s'arrêta. Il venait de se rendre compte que la jeune femme n'était peut-être pas majeure quand lui-même avait mis un terme à sa carrière de numéro 10, alors qu'il était âgé de 27 ans. Niahm était cultivée. Et il n'avait pas la sensation qu'une grande différence d'âge les séparait. Mais pour autant, il ne souhaitait pas qu'elle ait l'impression qu'il voulait paraître plus jeune que son âge. Il pensa "Quel âge avez-vous ?", mais son flegme légendaire prit encore une fois le pas.

- Vous me parliez d'une passion familiale ? Ce sont vos parents qui s'intéressent à l'ovalie, Niahm ? Parlez-moi de vos origines, si cela ne vous dérange pas. Je pense deviner que Niahm n'est pas un prénom frôceux.

[Niamh Fourcade]

Niamh était comblée par les histoires d'Alexian. Il était peut être de 10 ans son ainé, mais elle se sentait de plus en plus attiré par l'homme. Il dégagé une telle force, un tel caractère. Quelle femme pouvait lui résister ?

- En effet, Niamh n'est pas frôceux. Mes parents étaient irlandais et ils ont émigrés de Cork vers Esperanto dans les années 70, pendant le putsch de 1972, juste avant que Lacroix de Beaufoy ne devienne le dictateur sanguinaire qu'il fut. Je suis donc née à Esperanto un beau jour de mars 1974. En ce qui concerne mon prénom, c'est un prénom irlandais, assez commun : ça s'écrit bel et bien N.I.A.M.H mais ça ne se prononce pas "niame" ou "niant" mais "nive".

Alexian semblait ravi de ses propos. Elle continua :

- Fourcade est le nom de....

Encore une fois elle semblait gênée.

- ... de mon ancien mari. Mon nom de jeune fille est Doyle. Un nom typiquement irlandais également. Et vous, Monsieur d'Amplepuis ? dit elle avec un grand sourire, un brin ironique. Etes vous un aristocrate ? se réjouit elle en avance.

[Alexian d'Amplepuis]

Alexian eut l'air interloqué à l'évocation de l'ancien mari de Niahm. Mais il se reprit.

- Et bien, mes origines aristocratiques sont relativement récentes, en fait. Je ne vais pas étaler toute ma généalogie, n'ayez crainte ! Mais pour résumer, je porte le patronyme d'un illustre aïeul, Eloi d'Amplepuis-Saint-Jean, qui fut anobli suite à sa grande implication auprès du Prévôt des marchands de la ville de Lyon, au début du XVIIe siècle ... Je suis donc issu de l’aristocratie française, et ma famille est l'héritière d'une certaine noblesse commerçante, très en vue dans la région du Beaujolais, chez nos sympathiques voisins français ...

Il mesura l'impact de son histoire sur Niahm. Cela avait l'air de l'intéresser. Il poursuivit donc.

- En fait, tout comme pour vous, ni mon père, ni ma mère n'étaient frôceux. Comme je vous le laissais entendre, j'ai des racines françaises par mes ascendants paternels. Mais ma grand-mère paternelle, Astrid Sverdrup est le premier maillon non aristocratique dans la famille, et elle apporte à sa descendance, dont je fais partie, un petit accent norvégien. Par ailleurs, son fils, mon père, s'est lui aussi marié à une jeune femme issue de l'immigration, écossaise cette fois. J'ai moi-même vécu en Ecosse avec elle, entre le divorce de mes parents, et le décès accidentel de ma mère.

Il sentit que la conversation commençait à se complexifier, et décida de changer de sujet.

- Mais, sans vouloir vous offenser dans une quelconque douleur, vous m'avez parlé toute à l'heure de votre mari. Il est assez impoli d'en demander plus, j'imagine, mais la curiosité me pousse malgré tout à me questionner. Êtes-vous une femme divorcée ? Ou bien est-il arrivé un malheur bien plus grand à votre époux ?

[Niamh Fourcade]

Ca y est. Alexian pénétrait dans les pensées hostiles de Niamh. Elle avait redouté ce moment, celui où il fallait expliquer Quentin à 'homme qui l'attirait. C'était la première fois qu'on lui demandait une telle chose, elle qui n'avait rencontré personne depuis ce terrible jour de septembre 2010. Malgré tout, elle décida de se lancer.

- Non je ne suis pas divorcée. Je suis...

Elle respira un grand coup.

- ...Veuve.

Elle se sentit gênée par cette nouvelle terrifiante. Comment Alexian allait réagir ? Serait il désintéressé par une femme veuve. Niamh savait que les veuves étaient souvent des femmes qui finissaient seules. Elle ne voulait pas, elle continua sans attendre la réaction de son hôte.

- Il s'appelait Quentin Fourcade. Il était Directeur de la Banque de Frôce, et ancien Premier Ministre aussi, pendant la Présidence de Yohann Viver, vous surement du entendre parler de lui, il a inventé notre monnaie, le pluzin. Il est décédé il y a plus d'un an, une terrible attaque cérébrale dans son bureau de la Banque de Frôce. J'avoue que..

Elle s'arrêta quelques millisecondes, se demandant si elle devait se confier à Alexian.

-...que je me remet seulement de sa mort. J'ai envie de reprendre un peu gout à la vie. Je cherche de nouvelle aventure en quelques sortes.

Elle espérait ainsi attirer l'attention d'Alexian.

- Et vous, marié ? Divorcé ? Veuf ? Eternel célibataire ? Bel homme comme vous êtes, ce ne doit pas être la gente féminine qui vous manque.

[Alexian d'Amplepuis]

Alexian s'était attendu à beaucoup de possibilités. Mais pas vraiment à celle-ci. Il était un peu désarçonné. Bien entendu, il aimait les femmes. Sûr aussi, que Niahm avait le charme et l'intelligence d'une personne avec qui il aurait aimé faire un bout de chemin. Jamais, c'est certain, il ne l'avait considéré comme une potentielle aventure d'un soir. Et là, cet aveu qu'elle lui faisait, mettant à jour une profonde blessure du passé, le plongea l'espace de quelques instants, dans des affres de perplexité.
Une relation avec Niahm, veuve Fourcade, ne serait jamais simple. Pourtant, elle semblait lui envoyer clairement des signaux, afin de lui indiquer qu'elle avait envie de cela. Alexian était le seul à pouvoir décider. Et décidément, le charme de Niahm le transcendait. Son élégance racée le transportait intérieurement. Il était en tous cas certain que lui, il avait envie d'essayer.

- Moi ? J'ai été fiancé par le passé, dans ma jeunesse écossaise. Mais c'était une promesse de raison, et j'avais besoin de passion. Depuis, je dois reconnaître n'avoir pas connu beaucoup de femmes avec lesquelles j'aurais entretenu une relation quelle qu'elle soit. Et pour tout vous avouer, vous êtes la première qui êtes parvenue à intriguer mes sentiments. Votre délicatesse et votre raffinement m'emplissent d'une sensation que je n'ai pas connu depuis fort longtemps. Mais bien entendu, il serait déplacé que j'en dise plus. Surtout que j'entends bien la douleur qui est encore la votre, lorsque vous évoquez votre défunt et illustre mari.

[Niamh Fourcade]

Alexian était donc célibataire. c'était peut être un homme à femme après tout. Etait elle vraiment intéressée par un tel homme ? Niamh se le demandait. Cependant, elle ne pouvait résister à son charme.

- Vous savez, j'ai fait mon deuil, je dois tourner la page maintenant.

Finalement, Niamh voulait changer de sujet, oublier Quentin, ne penser qu'à Alexian. C'était avec lui qu'elle partageait un très agréable moment.

- Revenons à vous plutôt. Donc vous avez jouer ouvreur à Aberdeen Grammar ? Je connais très bien cette ville. J'y suis allé plusieurs fois avec mon père. C'était un grand amateur de whisky écossais et ils nous emmenaient là bas souvent, nous restions à Aberdeen, mais allions au travers des Highlands, plus à l'ouest. C'est d'un beauté formidable, n'est ce pas ? J'imagine que vous parlez couramment anglais ?

Niamh était heureuse de partager ses souvenirs de jeunesse avec Alexian. Ce dernier se tenait dans son fauteuil, son verre à la main. Niamh le voyait tout droit sorti d'un roman de Ian Flemming, en bel espion, brun et ténébreux.

[Alexian d'Amplepuis]

Alexian avait un air nostalgique à l'évocation de ces noms qui lui étaient communs quand il habitait en Ecosse.

- Les Highlands, oui. C'est magnifique. Je crois y avoir laissé une partie de mon âme, d'ailleurs ... Et oui, je parle anglais couramment. Enfin, pour ne rien vous cacher, je ne pratique plus beaucoup depuis presque 15 ans. Sauf, bien entendu, lorsqu'il s'agit d'affaires !

Il plongea son regard dans celui de Niamh. Ses yeux semblaient animés comme une mer déchaînée, d'un bleu sombre tirant sur des reflets émeraude. Il ne savait pas trop qu'en penser. Elle était là, souriante, calme. Et pourtant, il avait l'impression qu'une forte émotion transparaissait au travers de ce regard. Et cette émotion s'adressait à lui.

- Aller, je vous invite à passer à table, Milady ! Civet de biche mariné à la groseille rouge. J'espère que ça vous ira ?

Il prit appui sur le canapé, et dans un mouvement délicat, sa main effleura celle de Niamh. Leurs regards se croisèrent un fragment de seconde. Puis ils regardèrent tous deux dans des directions opposés, comme si rien ne s'était passé, tels deux adolescents.

- Je ... Suivez-moi, je vous en prie !

Alexian reprit tout son aplomb. Il précéda la jeune femme jusqu'au grand salon. Une grande table en bois exotique massif y trônait. Il déplaça la chaise pour son hôte, et l'installa. Il dressa ensuite un couvert supplémentaire et s'installa à son tour, face à Niamh.

- Ne soyez pas trop exigeante (il sourit) ... Je n'avais pas prévu votre venue ce soir, et en guise d'accompagnement, je n'ai prévu que des petits haricots de mon jardin. Mais j'ose espérer que la sauce à ma façon, vous satisfera !

Il s'absenta quelques instants, et revint avec des assiettes servies d'une généreuse portion de viande caramélisée et d'un beau fagot de haricots bardé, dont le fumet emplissait tout le salon. Il s'installa.

- Bon appétit, douce Lady.

Il servit un verre de Saint-Emilion-Petit-Cheval 2005 à Niamh.

- Quels sont vos projets d'avenir, Niamh ? Vous comptez rester à la Bibliothèque ? Vous avez d'autres idées en vue ?

[Alexian d'Amplepuis]

Alexian et Niamh avaient ensuite discuté pendant de longues heures. Elle lui avait notamment appris qu'elle devait aller voir un certain Monsieur Crécelle, ou quelque chose du genre ... Rien qui ne rassurait Alexian.

Ils se séparèrent en fin de soirée. Il avait hésité à l'embrasser, et s'était dit qu'il valait probablement mieux attendre. Mais comme pour l'assurer de ses sentiments, il lui avait délicatement baiser la main en la raccompagnant à sa voiture.

Alexian passa la nuit à ressasser les moments qui l'avaient touché. Il se dit qu'il appréciait vraiment la compagnie de Niamh, et qu'il avait hâte de la revoir. Il tenta le lendemain de la joindre sur son téléphone portable, mais ça avait sonné occupé toute la journée ... Il espérait secrètement que ce n'était pas une manière déguisée de l'éconduire. Et puis il repensa à ce Monsieur Pipistrelle, et se dit qu'il devait, en ce moment même, avoir l'incroyable chance d'être en compagnie de cette délicieuse lady ... Sa délicieuse lady ...

Il écrivit toute la soirée.

[Niamh Fourcade]

Niamh venait d'attérir sur l'Île après son escapade chez Arnaud Crepelle. Elle avait déjà envoyé un texto plus tôt dans la nuit, et après avoir atterri, sans attendre la réponse du beau brun, elle en envoya un autre. "Un repas chez moi, ça vous dit?".

[Niamh Fourcade]

Niamh avait bien reçu la réponse d'Alexian. Elle le rappela, mais tomba sur sa messagerie :

"BIIIIIIP ... Bonjour Alexian, je préfèrerais qu'on se voit pour le diner, je suis occupé à la Bibliothèque pendant la journée. Je vous propose de reporter ce repas au lendemain. Venez vers 20h. A bientôt"