Entretien avec Elise Lantier
"Je suis de nouveau une citoyenne affranchie et rebelle, je me sens revivre"
- Tout d'abord, comment allez-vous ?
Ca va mieux petit à petit, je me refais une santé et je profite de mes proches. Je suis ravie de vous rencontrer enfin, c'est la première fois que nous avons la chance de nous entretenir. J'apprécie beaucoup "Le Temps", les articles sont de très bonne tenue et permettent souvent de démêler des affaires compliquées. Le travail des journalistes est primordial, j'apprécie que vous donniez de la vitalité au journalisme frôceux. Il est des domaines où il faut des éclaireurs qui explorent de nouvelles pistes. La liberté de la presse s'use quand on ne s'en sert pas!
Les temps ont été très difficiles pendant la campagne électorale, les coups ont été très rudes malgré ma volonté de me tenir à l'écart du débat et de la campagne. Cette cure d'opposition sera très bénéfique pour nourrir ma réflexion politique et retrouver le goût du combat et de la proposition.
- Vous avez été pendant une certaine durée Présidente de l'Assemblée Nationale. Quel bilan faites-vous de cette expérience, tant du point de vue personnel que professionnel ? Déçue, ou au contraire ravie ?
Vous êtes observateur M. Krypzt-Herblain! En effet, j'ai été Présidente de l'Assemblée Nationale pendant près de 6 mois consécutifs soient 2 mandats. C'était une très bonne expérience, la présidence était pour moi un laboratoire. Lors de mon premier mandat j'ai voulu associer l'opposition à la présidence de l'institution en faisant appel à Jean-Baptiste Marshall avec les levées de boucliers que l'on a connues. En dépit du passage furtif de Jean-Baptiste Marshall cet épisode a permis de donner des gages à l'opposition en montrant toute ma bonne volonté. Dès lors les relations ont été très cordiales avec les représentants de l'opposition et peu à peu j'ai pu endosser un rôle d'arbitre au-dessus des partis.
Cet épisode JBM a été délicat dans mes relations avec le RSE, la situation a été gérée de façon lamentable par Alessandra Gasparini qui n'a pas su ou n'a pas voulu communiquer avec moi pour me permettre de dénouer le conflit.
Au final ma démarche ne choque plus aujourd'hui et elle fait consensus, je m'en réjouis.
Le deuxième mandat a démarré sur fond de crise grave, n'ayant pas trouvé de personnalité capable d'assumer la charge de Vice-Président dans les rangs de l'opposition j'ai tout de suite pensé à mettre en place un ticket gagnant avec Luca Pappa qui est un homme d'Etat admirable.
Nos relations ont été excellentes, conformément à ma volonté il a été nommé vice-président à temps plein, là encore j'ai dérogé aux conventions mais c'était nécessaire pour que je puisse prendre la hauteur nécessaire pour arbitre les conflits les plus violents qui ont animé l'assemblée.
J'ai quitté avec beaucoup d'émotion l'Assemblée Nationale, l'histoire fera son oeuvre.
- Nous avons pu constater durant la campagne des accrochages avec le RSE. Quelle est l'origine de ceci ?
J'hésite beaucoup à en parler car pour moi la situation est vraiment très claire. Lorsque j'ai vu mes camarades du RSE se mettre en ordre de bataille pour les élections législatives je leur ai adressé un bref message pour leur signaler ma volonté de me mettre en retrait et de prendre du recul après ce long mandat à l'Assemblée Nationale:
Le nouveau premier secrétaire a saisi l'occasion pour faire une purge et m'exclure du parti faisant mine de comprendre que je rendais ma carte.Chers amis,
Je vous souhaite tout d'abord ici une excellente année. Dans un second temps je tiens à annoncer ici mon retrait du porte-parole.
A l'issue de ces deux mandatures où j'ai été partie prenante je désire prendre du recul pour me projeter vers d'autres lendemains.
Je ne me reconnais plus dans le RSE et les programmes surréalistes que l'on ressort du formol à chaque élection, je tenais à le dire sans aucune acrimonie, je ne dois pas être la seule à le penser.
J'ai besoin de davantage de pragmatisme, d'ouverture, d'innovation, de chaleur. Au sein du RSE je ne peux pas expérimenter des dialogues nouveaux auxquels je tiens et je ne peux donc pas m'épanouir. J'ai fait en sorte d'aménager cet espace humaniste et pragmatique, mais chaque tentative a été avortée malheureusement.
C'est en toute loyauté que je souhaite me mettre en retrait des activités du parti, je finirai la mandature sous l'étiquette RSE bien évidemment. Je veux me donner le temps à la réflexion. C'est un retrait qui me semble nécessaire pour ne pas travailler de façon mécanique.
Depuis Mai 2012 nous avons beaucoup construit ensemble, j'ai apprécié les personnalités de chacun, il y a eu des soubresauts mais dans mon coeur il ne restera que de la chaleur humaine et du partage. Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins.
Bon courage pour ce nouveau combat.
Votre Elise.
J'ai été exclue du parti sans même que l'on ne me demande confirmation, que l'on s'explique avec moi. Je trouve ça d'autant plus dégradant que j'ai été exclue comme une malpropre en ayant été vice-présidente du RSE et Présidente de l'Assemblée Nationale.
Certaines vérités ne sont pas bonnes à dire au RSE malheureusement. Cette histoire m'a permis de comprendre énormément de choses, j'ai été profondément déçue aussi du comportement de certains. Hugo Salinovitch n'a même pas daigné répondre à un courrier que je lui ai envoyé au lendemain de cette exclusion, mais je ne lui en tiens pas rigueur car je sais qu'il a eu de graves problèmes de santé et qu'il n'a plus tout à fait toute sa tête. Je garde beaucoup de tendresse pour lui.
Je garde de très bons souvenirs de mon travail avec un ami que je regrette beaucoup Daniel Gallon, j'appréciais beaucoup Stefano Peruzzi, je continuerai de voir Richard Cypher qui a été sidéré par cette déferlante de haine à mon encontre.
Maintenant tout cela est du passé, je vais enfin pouvoir m'exprimer librement sans chantage ni intimidations.
Je suis de nouveau une citoyenne affranchie et rebelle, je me sens revivre et c'est très agréable.
- Personne n'ignore que vous avez fait votre demande d'adhésion au PSD. Pensez-vous que vous trouverez au sein de votre nouveau parti le pragmatisme et l'innovation qui vous manquaient au sein du RSE ? Sur quels points en particulier vous sentez-vous davantage en accord avec le PSD qu'avec le RSE ?
Effectivement j'ai pris cette décision très importante dans ma vie politique. Mon adhésion au PSD est la suite logique d'une trajectoire personnelle entamée il y a un certain temps. J'ai eu une approche très simple dans mes relations avec l'ensemble de la gauche frôceuse et ce dès le début de ma vie politique, n'en déplaise à certains. J'ai toujours souhaité entretenir des relations franches et cordiales avec des interlocuteurs de qualité. Il s'avère que le PSD a toujours eu à mon égard une posture compréhensive, attentive et accueillante. L'exclusion du RSE dont j'ai été victime m'a permis de réfléchir sérieusement au sens de mon action politique. De nombreux échanges avec Luca Pappa dès mon second mandat à la tête de l'Assemblée Nationale, des discussions nourries avec Benjamin McGrégor m'ont fait prendre conscience du sens profond de mon engagement politique. Je suis socialiste et je le resterai. Mais il me semble nécessaire de s'ouvrir aux humanistes et de créer ensemble un monde meilleur.
Je salue l'audace dont font preuves mes nouveaux camarades du PSD en m'accueillant parmi eux, je leur promets de m'en montrer digne. Je suis sincèrement touchée par l'accueil chaleureux, authentique et sans arrière-pensée qu'ils m'offrent aujourd'hui.
Je souhaite revenir sur votre question pour finir. Le PSD est un vivier d'innovation et de pragmatisme avec pour objectif l'efficacité de la parole publique. Je me reconnais dans la capacité du PSD à se remettre en question et de faire l'inventaire chose impensable dans mon ancien parti. Tout ceci est affaire de culture politique je le conçois. Je ne pouvais plus continuer à évoluer dans un parti caporalisé qui ne sait pas trop où il va et qui navigue à vue. Le débat au sein du PSD est dynamique, on se dit les choses en toute transparence et c'est qui m'a frappée aujourd'hui en en franchissant les portes tout à l'heure...
- Passons aux faits d'actualité maintenant. Que pensez-vous de la gestion de la crise chez Sapporo-Gesca par l'actuel gouvernement ? On a vu de nombreuses personnalités politiques dont Messieurs Rolland, Salinovitch ou encore de St Imberb s'indigner du manque d'action du gouvernement. Quelle est votre position ?
Ce plan social tombé du ciel est une catastrophe pour l'ensemble de nos territoires. Orgues les Bains touchée. Mais aussi Chouchenn ville où je réside, ville que j'apprécie beaucoup et dont je connais très bien les habitants.
Il faut dire que la direction de Sapporo-Gesca a pris tout le monde au dépourvu en faisant une annonce aussi brutale. Il me semble donc difficile d'engager la responsabilité de l'actuel gouvernement dans cette annonce. Nous sommes tous malheureusement logés à la même enseigne.
Néanmoins, il faut observer le piège idéologique dans lequel semble s'enfermer le gouvernement. Il est difficile de parler de moins d'Etat, de libéralisme et toute cette tartine insensée et à la fois s'engager directement dans le combat pour l'emploi.
La seule réaction du Premier Ministre a été un communiqué déplorant ce plan social sans le récuser tout en annonçant d'inscrire dans la loi la nécessité du dialogue social. Les employés menacés de licenciement doivent se sentir rassurés... Enfin!! Soyons sérieux, le gouvernement doit s'intéresser sérieusement à la gestion du groupe Sapporo-Gesca, il y a fort à parier que la gestion ne soit pas irréprochable.
Je suis proprement scandalisée par cette situation et l'inertie annoncée du gouvernement!
Ce plan social est inacceptable sans reclassement des salariés.
- Quels sont vos projets politiques ? Des investissements au niveau local, national ?
Très prochainement je compte m'engager dans un combat local, mais je ne peux pas en dire plus. Je vais continuer mon travail de réflexion politique, et contribuer à une opposition force de proposition.
- Serez-vous candidate aux prochaines législatives, sous les couleurs du PSD ?
Votre question est tout à fait pertinente et mérite d'être posée. En toute sincérité, la question n'est pas encore d'actualité et elle ne s'est pas posée. Je viens tout juste d'arriver au PSD, je ne vais pas faire du "pousse-toi de là que je m'y mette". Je ne m'interdis rien et je saurai faire part de ma disponibilité à mes camarades du PSD.
Pour l'heure je suis au travail, j'ai besoin de calme et de réflexion. Le destin de la gauche et des humanistes dépasse mon destin personnel... En attendant les législatives d'autres combats nous attendent!