La scène sur l’esplanade du Vieux Port était fin prête. Une marée humaine envahissait depuis l’annonce des résultats à 20 heures les lieux. George Montgomery était déjà dans Aspen, il était dans l’immeuble qui accueillait son QG de campagne, sûrement au dernier étage pour bénéficier du sublime vue sur la mer Méditerranée. Le ballet des véhicules était incessant. Le cordon de sécurité autour de l’entrée de l’immeuble était impressionnant. Après l’agression de l’après-midi et suite à la proclamation de sa victoire, les forces de sécurité autour du Président élu étaient largement rehaussées. A moins d’une centaine de mètres plus loin se trouvait l’esplanade du Vieux Port où plusieurs centaines de milliers d’Aspinois s’étaient réunis pour fêter ensemble la victoire du candidat socialiste à la présidentielle. Les journalistes étaient en place pour suivre l’allocution de George, les photographes étaient eux aussi en position pour mitrailler de la tête aux pieds le nouveau Président.
Pour des raisons de sécurité et contrairement a ce qui avait été prévue initialement, George Montgomery ne pourrait pas fendre la foule à pieds pour rejoindre la tribune sur laquelle il s’exprimerait dans quelques minutes. C’est donc un véhicule aux vitres teintés qui était en position devant l’entrée de l’immeuble pour transporter le vainqueur de la présidentielle jusqu’à la tribune. La foule était toujours aussi festive quand dans un moment de relâchement, George fit sa sortie de l’immeuble. Il s’arrêta quelques instants sur le perron, sourire aux lèvres et salua la foule des deux mains. Après moins d’une minute, il rentra dans la voiture qui l’attendait, baissa la fenêtre arrière droite, sortit son bras et fit le V de la victoire avec sa main droite. Les acclamations se succédaient jusqu’à l’arrivée. L’ambiance était extraordinaire. Il montait les marches avec nonchalance comme pour profiter pleinement de ce moment exceptionnel, lui qui n’avait jamais connu une telle gloire avant ce soir. Lorsque son visage éclaira les écrans géants dissimulés un peu partout sur la grande esplanade du Vieux Port d’Aspen, une clameur se fit entendre. Une véritable et impressionnante clameur. Certains fidèles du candidat socialiste en avaient la chair de poule.
A ce moment-là, alors qu’il saluait la foule qui n’en finissait pas jusqu’à l’horizon, George ne pouvait s’empêcher d’avoir une larme à l’œil en mémoire de son fils, Matthew, décédé il y a maintenant trois ans à seulement 20 ans, dés suite d’un accident d'avion. Par pudeur, il n’en parlerait pas ce soir mais s’il devait dédier cette victoire électorale, elle le serait pour son fils qui a toujours cru en son père mais qui n’aura connu que les défaites de George aux législatives alors qu’il tentait de devenir Premier ministre. L’émotion était palpable sur le visage du nouveau Président de la République, mais en homme d’Etat qu’il était, il ne laissait rien paraître. Il se plaça derrière le pupitre où un assistant de sa campagne venait de poser le discours qu’il prononcerait ce soir.
« Mes chers concitoyens,
Merci. Merci pour votre soutien indéfectible. Merci pour votre constance. Merci pour vos encouragements. Merci pour ces milliers de témoignages de soutien que j’ai reçu depuis le début de cette aventure. Merci pour votre confiance, elle est si précieuse qu’elle ne peut être contrebalancée par aucun autre sentiment que le sentiment de fierté que ressens ce soir devant vous après cette journée historique. En m’accordant la majorité absolue des suffrages exprimés, les Frôceux ont exprimé leur souhait de connaitre une République sociale et solidaire. Je n’ai eu de cesse de croire dans une certaine idée de la Frôce et je suis heureux de savoir qu’une majorité de Frôceux se reconnaissent dans ces idées et dans ce nouveau pour notre République.
Cette campagne restera comme l’une des plus intenses de l’histoire politique récente de notre pays. Ce tour de Frôce des villes, des provinces, des régions a permis à tout un peuple de se retrouver autour d’une même cause, d’une même ambition : décider ensemble de l’avenir de notre Nation. Ce soir, c’est une victoire de la Nation toute entière que nous allons fêter ensemble. Ce n’est ni la victoire d’un parti sur un autre, ni la victoire d’un camp sur un autre, ni d’une famille idéologique sur une autre. Ce soir, nous fêterons ensemble la République une et indivisible. Ce soir nous fêterons ensemble la fraternité si importante pour maintenir l’unité de notre peuple. Que l’on soit à Casarastra, à Aspen ou à Anglès, ce soir, nous sommes toutes et tous les fils et les filles de la République. Nous ne sommes plus des militants politiques, nous ne sommes plus des responsables politiques, nous ne sommes plus des ministres, ni même des riches ou des pauvres, des blancs ou des noirs. Ce soir, nous sommes le peuple de Frôce dans ce qu’il a de plus merveilleux.
Plus tôt dans la soirée, j’ai reçu un message très courtois de M. Bertrand. Je veux lui dire que j’ai du respect pour lui et pour ses idées dans lesquelles tant de Frôceux se sont reconnus. Ma pensée va à tous les Frôceux qui n’ont pas voté pour moi. Je veux leur dire que par-delà le combat politique, par-delà les divergences d’opinions, il n’y a pour moi qu’une seule Frôce qui l’emporte ce soir. Parce que l’unité nationale compte plus que tout pour moi, j’invite d’ores et déjà M. Bertrand à me rencontrer une fois aux responsabilités pour discuter ensemble de la politique qui doit être celle de la Frôce en respectant les idées qui ont triomphées lors de cette campagne électorale.
Je veux leur dire que je serai le Président de tous les Frôceux, que je parlerai pour chacun d’entre eux. Ma priorité sera la même demain qu’hier, elle sera de tout mettre en œuvre pour que les Frôceux aient toujours envie de se parler, de se comprendre, de travailler ensemble. Tout comme je ne conçois pas l’exercice des responsabilités comme l’exercice d’un pouvoir monarchique absolu qui ne doit pas connaitre la contradiction et la mise à l’épreuve, je ne conçois pas qu’une partie de nos concitoyens puisse se sentir abandonné ou bien rejeté par une autre partie. Je parlerai à tous les Frôceux, sans aucune exception, y compris à ceux qui ont choisis de voter pour un candidat ou un parti n’ayant aucun point commun avec le projet politique qui était le miens lors de cette élection présidentielle.
Le peuple de Frôce a choisi le changement. Ce changement je le mettrai en œuvre parce que c’est le mandat que j’ai reçu du peuple et parce que la Frôce en a besoin. Mais je le ferai avec tous les Frôceux. Je le ferai dans un esprit d’union et de fraternité. Je lance un appel fraternel à tous les Africains pour leur dire que nous voulons les aider à vaincre la maladie, la famille et la pauvreté et à vivre en paix. Parce que c’est le droit de chaque peuple de vivre en paix. Je veux leur dire que nous déciderons ensemble d’une politique de développement ambitieuse. Parce que l’ambition restera comme le slogan le plus efficace et le plus important de toute cette aventure républicaine. Je veux aussi lancer un appel à tous ceux qui dans le monde croient aux valeurs de tolérance, de liberté, de démocratie et d’humanisme, à tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et par les dictatures, à tous les enfants et à toutes les femmes martyrisées dans le mode pour leur dire que la Frôce sera à leurs côtés, qu’ils peuvent compter sur elle et sur le peuple de Frôce. Je veux lancer un appel aux ravisseurs de la famille Thiago, enlevée au Soudan il y a maintenant plusieurs mois. Je veux dire à la famille et aux proches des otages que l’Etat fera tout son maximum pour procéder à leur libération dans les plus brefs délais, que leur vie ne sera pas mise en danger, que je vais rompre avec cette politique pour redonner de l’espoir à toutes les familles qui connaissent l’angoisse d’avoir ou de connaitre un proche ou un membre de leur famille en situation d’enlèvement dans une région isolée du monde. La Nation est aux côtés de ces familles et elle le restera.
Le 21 juillet sera une grande date pour notre pays, un nouveau départ pour la Méditerranée, une nouvelle espérance pour le monde. Le mandat que vous m’avez confié, il est beau, il est grand, il est lourd. J’aime mon pays, j’aime les Frôceux, tous les Frôceux et je veux qu’entre nous il y ait cette relation, celle qui permet tout et qui s’appelle la confiance.
Vive la République,
Vive la Frôce ! »
Après ce discours, George se recula du pupitre pour venir se positionner au-devant de la foule pour entonner l’hymne national auquel il était tant attaché depuis son arrivée en Frôce, ce pays qui lui avait tout donné et à qui il devait rendre maintenant bien plus.