Amorphe [Numéro 2]

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Yevgueni Makhno
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Amorphe [Numéro 2]

Message par Yevgueni Makhno »

Outre un manque de moyen déconcertant, et un manque de temps total, l'Amorphe se voit dans l'obligation de publier sans fioritures et autres mouvements artistiques digne d'une présentation et d'une maquette de prétendu journal la suite du livre de Pierre Anthier.

Seconde Strophe

Attenant à la barre
Se dressait une masse informe
Maintenant son quart,
On eu dit un homme.
Regardant droit vers l'horizon
Sans buts et réelle raison
Fuyant ses congénères et leurs sbires
Fuyant le monde véreux dans un rire
Adorateur d'un temps
N'ayant jamais existé
Ne vénérant plus rien
Enfermé et rampant
Sous une infame nuée
Perdu dans ce monde sans rien.
Navigateur isolé,
Pilote sans navire,
De bord en bord ivre,
Pestant contre ceux qui mirent
Tant d'importance
Sans prestance
Un nom sur cet émigré
De la vie.
De tout cela,
Il retire le « preux »
Et ne garde que
Leurs rêves évadés.


C'est ainsi qu'on peut écrire un poème, « carré sur l'essentiel, à l'arrache sur les détails ». Tout oeuvre (remplaçons « oeuvre » par son synonyme mercantile « production ») est le reflet de la pensée de son créateur. Enfin, pas créateur, ce serait nous donner un rôle qui nous n'avons pas. Toujours est-il qu'écrire, peindre, sculpter, dessiner, chanter, tout ce qu'on considère comme « art » est l'expression directe d'un sentiment. Les créations vont au delà des mots, du langage articulé des hommes. Un phénomène se produit lors du regard attentif porté à ces « créations »; l'individu est béat (très américain dans la contemplation d'un art qui le surpasse), soit en admiration (ce qui induit forcément une connaissance théorique et empirique de l'appréciation juste de l'objet, souvent tenue par une classe supérieure), soit un rire ironique, et enfin un désintérêt total. Si j'écris que je suis désabusé et nonchalant, c'est bien un reflet.

Il existe des mécanismes de sélection naturels, mais aussi sociaux. C'est pourquoi il est plus difficile de subir les frustrations imposées par une structure non-naturelle. Il est possible de référencer plusieurs de ces mécanismes qui entrainent chacun la mise en place d'une hiérarchie.
Ainsi nous arrivons, pour résumer de façon bipolaire et manichéenne, à une bourgeoisie et un prolétariat dans chaque sélection. Certains domaines comme le sexe peuvent donner l'impression d'être mû par un mécanisme naturel; or il en est tout autre. Chaque société produit ses canons, ceux vers lesquels on tend à ressembler (danger), ce qui a pour conséquences un alignement ou non des individus sur leurs patrons sociaux. On voit donc apparaître une bourgeoisie sexuelle (ce qui est beau est désirable) qui fornique plus que le prolétariat qui essaie d'appliquer cette sélection à sa classe et qui tente de grignoter sa part dans une lutte passant par l'intermédiaire du processus de copie de la classe supérieure. Mais le prolétariat sexuel emmagasine un lot de frustration qui va de paire (en général) avec sa condition économique faible. Paradoxalement, ce sont les prolétaires qui fréquentent le plus les peep-shows ou les locations de films pornographiques (selon Hubert, gérant du « Cheery on cock »). Les plus pauvres ont une propension marginale à consommer du sexe plus importante que celle des plus riches, ce qui peut s'expliquer par la consommation compulsive suite à l'accumulation de frustration (et encore, ce phénomène existe aussi chez les hommes de pouvoirs et les hommes fortunés, car on dénote une diminution de la notion de pouvoir politique, culturel, social, économique chez le sexe masculin, ce qui explique en partie les orgies sado-masochistes organisées par des Conseil d'Administration de certains groupes économiques).
D'ailleurs il est à noter que des individus venant du prolétariat économique sont capables et peuvent émerger de leur condition initiale en accédant à la bourgeoisie sexuelle. Beaucoup d'efforts pour se sortir de sa pauvreté relative due au milieu social d'origine.
Si il y a au passage assimilation de beau avec sexe, c'est que l'ensemble de la publicité via le « porno-chic » joue sur la beauté, la rend désirable, et implicitement associe le désir au sexe. Ce montage insidieux fonctionne à merveille sur les sociétés occidentales. On le retrouve dans la sémantique de certaines sociétés, notamment frôceuse, par des mots comme « bonne » attribuées aux femmes (belles, de préférence). Mais aussi parce que la beauté est un accès au sexe, excepté les cas de viols et de pédophilie. Une belle personne séduira plus facilement (ou sera séduite) qu'une personne au physique indifférent, voire franchement repoussant. Pour palier à ce déficit du côté du prolétariat sexuel (des moches), de nombreux coachs ayant pour vocation d'aider les autres (moyennant finances) ont trouvé le point qui fait mal. Voici le discours type: « Votre physique ne vous permet pas de mettre en valeur votre beauté intérieure (sic ! Les individus disgracieux et jugés comme tel sont parfois aigris et rancuniers), vous avez un déficit de confiance en vous ». La messe est dite. Rappelons quand même que ces coachs, souvent au physique plaisant, en détournant l'échec vers la « confiance en soi » au lieu d'appuyer sur la beauté se donnent une position dominante plein de bon sens mais conservant quand même l'atout primordial de la rencontre: la beauté. N'est pas beau qui veut. Les coachs oublient donc la réalité objective (la division entre baisables/non baisables) pour une réalité au minimum subjective, voire quand même très personnelle. Le coaching fait en sorte de reléguer la dimension purement esthétique du corps humain pour imposer un point de vue psychologique, amenant donc pour eux le problème à la confiance en soi. Selon eux, ce manque de confiance empêche les individus d'aborder les autres (en gros, manquer de confiance en soi rend incapable de draguer afin d'arriver à la bourgeoisie sexuelle), et les contraintes à se recentrer sur eux même (provoquant boulimie, névrose, puis suicide, ce qui évidemment n'arrange rien à leur cas). Or ces gens qui veulent en avoir pour leur argent suivent ces précieux conseils et s'imaginent pouvoir en un stage de dix jours accéder au nirvana des rencontres faciles. C'était sans compter que l'apparence extérieure reste tout de même le premier signe positif ou négatif lors d'une rencontre.

Pour relativiser tout cela, n'oublions jamais que nous sommes toujours le moche de quelqu'un, et que les points de vue changent lors de la compétition pour la proie. Pour reprendre l'autre « On veut l'acceptation de son physique aussi longtemps qu'on n'a pas le physique dominant. Mais si on a le physique dominant, on veut la suprématie. Si l'on ne réussit pas (si on est trop moche), on veut la justice, c'est à dire un physique moyen ».
Amen.


Veuillez encore excuser et flageller nos pauvres rédac' réac'.
Verrouillé

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