Frôce - Archives V2

Christian avait appelé Louis pour lui parler, ce dernier avait accepeté de le rencontrer mais seulement à Anthelme, peu importe l'endroit, il se rendit donc à Anthelme.

Louis-Damien n'avait pas passé énormément de temps au téléphone, avec Christian. Il s'était montré très distant, très froid. Il avait accepté que Valmont vienne, uniquement pour une raison : lui dire ce qu'il pensait. Dès l'instant où il avait raccroché son téléphone, on sentit immédiatement que l'ambiance d'Anthelme se tendait. Lacroix n'adressa aucun sourire, on sentait qu'il bouillait... Même Cyprien qui connaissait pourtant les raisons de cet état ne se fit pas prier lorsque son boss le congédia pour la soirée. Secrétaires et conseillers se firent discrets, silencieux. Et dans le Palais il régnait un silence de mort, comme jamais on en avait vu. Pourtant, le jeune homme n'avait pas crié, il n'avait pas haussé la voix. Il restait fermé, impassible, profondément muet... le calme avant la tempête.

Il passa dans le couloir sous les regards fuyants, nul n'osait croiser son regard, craingnant qu'il n'explose. Il pénétra dans son bureau, ferma la porte et s'assit sur son siège. La pièce était faiblement éclairée par deux appliques murales, ce qui ne rendait pas l'endroit très chaleureux. Immobile, Louis-Damien attendit que Christian arrive. Il posa un regard sur la pile de dossiers qui s'amoncelaient sur son bureau. Au dessus de la pile, se trouvait la lettre de démission de l'ancien Premier Ministre, bien mise en évidence, car non, ça n'était pas un hasard. A côté, juste en face de Lacroix, il y avait l'acte d'association pour le cabinet d'avocats et un dossier confidentiel, qu'il avait fait imprimer.

Christian avait été introduit au bureau du président, bureau dans lequel il était entré des dizaines de fois auparavant, il resta longtemps silencieux, Louis-Damien avait l'air furieux, mais il s’en doutait un peu avant de venir, il s’approcha de quelques pas avant, il ne savait pas trop par ou commencer, il se contenta de proponcer les premiers mots qui lui vinrent.

Merci d’avoir accepter de me parler, je sais que tu es très occupé

- Très.

Simple mot lâché avec une froideur extrême. On aurait dit que la pièce n'était pas chauffée. Louis-Damien ne le quittait pas des yeux. Hors de question pour lui de rompre ce regard, quitte pour cela à piétiner toutes les règles de la bienséance. Il se moquait royalement que Christian ne soit pas à l'aise. S'il avait accepté qu'il vienne, ce n'était pas pour lui offrir du thé ou siroter une bière. Un silence pesant s'installa et Lacroix le rompit, toujours aussi glacial :

- Revoilà le conservateur prodige dans mon bureau. Vous tombez très bien, vous aviez oublié quelques affaires.

Le vouvoiement marquait encore plus la cassure entre les deux hommes. Malgré son air très calme, tout dans le regard du Président indiquait qu'à la moindre étincelle, les choses allaient exploser... et pas forcément sans faire de blessés.

Christian ne répondit pas tout de suite à Louis, il le vouvoyait, lui il allait continuer à le tutoyer, même si ça l’énervait.

Oui…je ne suis pas ici pour récupérer des affaires, je voulais te parler, tu agis en tant que président, qu’il en soit ainsi, je m’adresserai à l’homme derrière en espérant qu’il puisse m’entendre.
Tu es en colère, et c’est compréhensible, tu es énervé ! Tu veux te défouler ! N’hésite pas, je te donnerai raison…

Tu m’en veux parce que j’ai quitté le ML, parce que j’ai démissionné sans prévenir qui que ce soit, tu as le droit, Isabella aussi m’en a voulu.
Je ne sais pas si tu comprendras ou si tu accepteras mes raisons…
Tu es occupé, tout le monde est occupé, je l’étais tellement aussi que je ne voyais plus ou j’allais jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
Je ne savais plus ou j’en étais, je ne me sentais plus à ma place au ML, je ne pouvais plus rester, tu as bien vu que cela jouait même sur mon moral.
Si tu penses que j’ai fait ça pour te nuit c’est faux, si j’ai agit sans rien dire c’est parce que je savais que si je t’en avais parlé, tu m’aurais convaincu de rester, ça a déjà été le cas quand j’en ai parlé à Isabella, elle m’a dissuadé de le quitter, mais ça n’a fait qu’empirer la situation.

A l’ instant où j’ai pris cette décision ça m’a paru la meilleure solution, je n’avais pas pensé aux conséquences, je n’avais pas pensé au lendemain, juste qu’il fallait que ce malaise s’arrête, j’étouffais, et même si tu en doutes, même si tout le monde en doute, adhérer à un autre parti n’était pas prévu…mais une fois que c’était fait, tout c’est enchainé, et tu sais que des fois j’agis sur un coup de tête, donc, oui je n t’en ai pas parlé, ma démission t’a surpris, et je comprends ta frustration.
Aujourd’hui, tu me détestes peut-être, mais je tenais à m’expliquer, même si tu ne me comprends pas, et…je te demande pardon, parce que je sais qu’en faisant ça, j’ai peut-être mis le président dans une mauvaise posture mais avant tout j’ai blessé l’ami, et je le regrette plus que tout.

Louis-Damien écouta les propos de son ex-Premier Ministre et il serra si violemment un crayon gris qu'il le coupa net en deux. Il avait la mâchoire serrée. Il se leva brusquement tapant son poing sur le bureau et s'appuyant dessus avec un regard meurtrier.

- Pendant des mois, j'ai pensé que l'honnêteté était le fondement de ce que hier nous appelions amitié. Pendant des mois, j'ai pensé que si un jour, à la suite d'une décision, vous aviez quelque chose à dire, vous le feriez avec toute la franchise que l'on vous connait ! Lorsqu'il s'agissait de traiter Hélène de pute ou encore de sous-entendre que je payais pour ses services, vous aviez la langue bien pendue et le verbe haut. Mais nous faisions avec. En réalité, la seule chose qui importait était qu'il ne soit jamais fait de mensonges ou de trahison entre nous. C'était le fondement de notre pseudo-"amitié".

Il avait insistait sur le mot trahison et il monta légèrement le ton alors qu'il poursuivait :

- J'avais tort d'avoir confiance. Outre le parti politique, dont je me fous éperdument d'ailleurs, outre la fonction de Président de la République, qui ne tremble et ne défaille jamais, même lorsque son propre camp le lâche, et ça c'est très important, parce qu'on peut lui planter autant de poignards dans le dos que l'on veut, il reste debout et maître de son destin, outre encore la scission d'une majorité, la plus haute trahison que j'ai eu à encaisser a été le fait d'un homme en qui j'avais confiance et qui, je le croyais, n'étais pas lâche au point de ne pas me dire ses quatre vérités en face.

Il monta encore un ton au dessus :

- Le courage n'est visiblement pas dans le domaine de compétences de tout le monde. Et aussi bonnes aient été les excuses, il s'est écoulé plus d'une semaine depuis la lettre de votre démission. Une semaine, minable, misérable, où il a fallu probablement que quelqu'un vous pousse à venir ici, dans ce bureau, apporter des explications dont je n'ai strictement que faire, pour justifier un silence de couard. Ne venez surtout pas me dire que vous regrettez, parce que vous allez me faire regretter à moi d'avoir été abruti à un dégré suprême lorsque je vous ai fait confiance.

Il saisit Chris par le col avec une rapidité surprenante et l'approcha de lui, le regard si furieux qu'il aurait pu le foudroyer sur place :

- Et ne prononcez plus jamais le mot "ami" en ma présence. Suis-je clair ?

Christian repoussa Louis...

Quand on est président on garde son portable ouvert et on ne s'absente pas sans prévenir qui que ce soit, quand on est président on ne laisse pas sans future premier ministre courir après tout le monde pour un poste de ministre au point de demander à tous les idiots de Frôce de l'être, je ne t'ai pas contacté avant, tu étais hors champ. une semaine que j'attends ta confirmation pour faire passer un texte, j'ai du le faire passer par la procédure la plus longue qui existe tellement je pensais que tu ne reviendrais plus.
Une semaine que j'ai déposé ma démission, une semaine que je continuais de faire le travail, ou étais-tu pendant ce temps? t'a-t-on vu? t-a-t-on entendu parler, ne serait-ce qu'une fois?

Tu ne veux plus entendre le mot Ami, bien, tu ne l'entendras plus, mais pitié, arrêtes cette comédie tu veux? une colère toute aussi fausse que les arguments que tu viens de me balancer, le vouvoiement quand on est en colère comme tu sembles vouloir me le faire comprendre te trahie, tu avais un texte prêt a être réciter et tu t'y es très bien exécuté...rudicule...un enfant pourrait être plus convaincant...

Je sais reconnaitre mes erreurs, je t'ai présenté mes excuses, je t'ai demandé prdon, tu ne veux pas les accepter, très bien...
Je te laisse répeter ta prochaine scéne, et je viendrai te voir au théatre quand tu t'y produiras, en espérant que ta performance va s'améliorer d'ici là...

Il arrangea son col puis sortit en claquant la porte.

Lacroix n'avait pas bronché. Quand Christian fut sorti, il se rassit sur son siège et prit son téléphone pour joindre la standardiste :

- Vous enverrez les affaires de Monsieur Valmont par le même itinéraire que sa lettre de démission : par courrier. Réservez deux places dans le meilleur restaurant d'Aspen.

L'interlocutrice parut surprise d'entendre son ton posé, après les échos qu'elle avait eu. Il regarda le dossier confidentiel et le retira, ne laissant que l'acte de co-gérance du Cabinet Valmont et Associés. Il le mit dans un tiroir qu'il ferma à clé et dit à lui-même :

- Raté, mais au moins c'est clair.

Il se leva, éteignit les lumières de son bureau et monta dans ses appartements où il finit par rejoindre Hélène sous la couette...

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