[7, allée des Pins] Résidence Principale Isabella Nerio

[Isabella Nerio]

Isa était très impressionnée, le Président chez elle à cette heure ??

- Entrez Monsieur le Président, je peux vous offrir quelque chose à boire ? installez vous...

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

- Je prendrais bien un cachet d'aspririne si vous avez. Je sors d'une réunion avec des militaires dont je me serais fort passé, si tant est que la responsabilité de nos forces armées ne m'incombait pas... Avec de l'eau ça suffira, merci.

Lacroix observa l'intérieur et eut un air admiratif devant la déco. Il savait qu'Isa avait toujours eu du goût. Il lui fit d'ailleurs la remarque :

- C'est très beau chez vous, on doit s'y sentir bien.

Louis-Damien s'installa, puisqu'Isa l'avait invité à le faire. Il s'assit sur un fauteuil, près de la table basse et poursuivit :

- Je m'excuse de passer si tard et surtout à l'improviste, ce n'est pas correct. Mais je savais que vous aviez une maison ici, et je me suis dit que vous y seriez peut-être. J'avais besoin de vous parler de quelque chose qui nécessite une conversation privée. En réalité, il y a plusieurs choses...

[Isabella Nerio]

Isa amena un verre d'eau avec un comprimé d'aspirine à Louis..

- Merci d'apprécier mon intérieur Monsieur le Président, je suppose que si vous venez à cette heure ci c'est que c'est grave, je vous écoute..

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

Le Président avala l'aspirine d'une traite et répondit :

- Si vous aviez à choisir entre la sécurité de la solitude ou le risque d'une relation, vous choisiriez quoi ? Si cette relation faisait partie de votre bonheur personnel, vécu ou pas mais que des évènements, des actes ou des mots ont écarté, vous feriez quoi ?

Il était rare que Lacroix soit aussi direct sur ses pensées personnelles ou son ressenti. En fait, ce devait bien être la première fois qu'il se "confessait" à quelqu'un d'autre que Chris ou Hélène.

[Isabella Nerio]

Isa était assez abasourdi par la question


- Je n'hésiterai pas une seconde en ce qui me concerne, je n'aime pas la solitude et je trouve que dans toute relation il y a un risque mais qu'il vaut la peine d'être vécu , surtout quand cette relation vous apporte une sensation de bien être, ce n'est pas si fréquent de nos jours...maintenant si des évènements ou des actes m'avaient éloignée de cette relation je ferai tout pour renouer les liens d'amitié avec cette relation... c'est si précieux l'amitié.

Isa avait parlé à coeur ouvert.. elle avait oublié le Président.. elle avait parlé à l'homme qui était devant elle

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

- C'est précieux lorsque c'est partagé et sincère. Cela ressemble davantage à un risque moral qu'à un choix sûr au final. Cela nécessite une confiance, qui lorsqu'elle est piétinée, se transforme en méfiance. Et on ne peut pas parler d'amitié s'il y a méfiance.

Louis-Damien marqua une pause avant d'ajouter :

- Vous croyez à l'amitié vous ? A la sincérité ? Une amitié peut-elle seulement être véritable. N'est-elle pas l'idéal que l'on aime se donner, un aveuglement pour se sentir moins seul ?

Il posa ses yeux bleus sur elle et demanda :

- A ma place, vous feriez quoi ?

[Isabella Nerio]

Isabella avait maintenant parfaitement compris le pourquoi de cette visite nocturne..

- Monsieur le Président, avoir un ami c’est un grand privilège qui n’est pas donné à tout le monde…l’alchimie de l’amitié est complexe et parfois inexpliquée.. « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » .. J’adore cette citation elle traduit pour moi l’impossibilité d’expliquer par des mots pourquoi on va être attiré par une personne plutôt que par une autre…l’amitié est un sentiment aussi fort que l’amour.. on aime son ami, on ne le juge pas, il est comme il est avec ses défauts, ses qualités.. Mais un ami c’est aussi un humain…et l’humain a parfois des faiblesses…et quand l’ami par maladresse s’est mal comporté vis à vis de vous, la réaction est à la hauteur de la déception, disproportionnée……. Tout le monde à un moment et dans un contexte particulier peut agir d’une façon qui semble contradictoire avec l’amitié, agir ou tenir des propos qui blessent, qui font mal…

Tout le monde peut connaître ces instants et c’est là où l’ami doit accepter sans juger, c’est dur à expliquer mais dans ces cas là on se croit trahi et la colère l’emporte, le raisonnement est altéré…mais la maladresse de l’ami n’est pas forcément une trahison.. Je suis un peu abstraite mais je vais m’autoriser un exemple…

Nous sommes là en privé et vous ne m’en voudrez pas si je vous parle de Chris.. Je commence à le connaître un peu ..

Un éclair dans le regard de Louis lui confirma qu’elle avait vu juste

Il s’est senti complètement coincé entre son ressenti et les obligations qu’il avait prises avec vous... Ça tournait dans sa tête…il avait déjà quitté le ML dans lequel il ne se reconnaissait plus, il sentait qu’il fallait qu’il quitte son poste de Premier Ministre, mais alors, il reniait ses responsabilités et il trahissait son ami, son ami qui avait eu confiance en lui, cet ami qui l’avait hissé si haut…
Chris a carrément pété un câble… ne sachant comment s’y prendre il a fait exactement ce qu’il ne fallait pas faire… au lieu d’une entrevue en tête à tête avec vous il a envoyé une lettre de démission…. C’est tellement maladroit que ça pourrait prêté à sourire si cela ne traduisait pas exactement son état d’esprit…

Il a été incapable de vous dire droit dans les yeux, je pars…il n’a pas pu..

Vous avez réagi violemment et c’est parfaitement compréhensible.. si on examine à froid la situation ce qu’il a fait est inimaginable… ça démontre bien que les dés étaient pipés… Chris s’est mal comporté vis-à-vis de vous mais ce n’est pas par trahison c’est par maladresse..
Je sais que votre amitié est sincère à tous les deux, de part et d’autre il y a eu des propos violents qui ne traduisent pas votre pensée… plus on aime quelque un plus on réagit violemment…et c’est-ce qui s’est passé hier soir..

Vous me demandez ce que je ferai à votre place… c’est à vous de décider, je ne suis pas à votre place…

Les coups de griffe existent en amour comme en amitié, mais il y a une chose que je sais, Chris est malheureux et ne sait plus quoi faire pour que vous lui pardonniez..
Et si vous venez ce soir à cette heure me parler de l’amitié, sans encore avoir prononcé le nom de Chris, je sens que vous n’êtes pas bien non plus..

Un ami se prend comme il est…quoi qu’il fasse il est votre ami.. Et il n’y a aucun calcul là-dedans sinon ce n’est pas de l’amitié…ça ne veut pas dire qu’on est toujours d’accord, qu’on ne s‘opposera pas et fortement parfois, mais l’amitié sera plus forte…

Alors pour répondre à votre question, oui je crois à l’amitié, à la sincérité.. et je pense vraiment que vous seriez beaucoup mieux tous les deux si vous faisiez la paix..

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

Isabella avait eu de la chance d'être une femme que Louis-Damien appréciait pour sa force d'esprit et son travail. Autrement, il se serait immédiatement braqué et aurait coupé court à la conversation. Il ne put retenir un regard sombre vers elle, qui se radoucit peu à peu, à mesure qu'elle parlait. Il savait qu'elle avait raison et puisqu'il en était aux confidences, Lacroix laissa tomber le masque de ce Président impassible et droit dans ses bottes, pour ne laisser apparaître que l'homme qu'il était et qui, après tout ce temps à la tête du pays, était marqué par la fatigue d'une charge lourde à porter. Mais il était plus expressif, il était lui-même, fini le demi-dieu qui résidait à Anthelme :

- Je ne lui ai pas dit ce que je pensais... je ne lui ai rien dit de ce que je ressentais. J'avais préparé mon discours, mes gestes, mes déplacements dans l'espoir qu'il vienne. Je n'ai rien laissé paraître, rien du tout. Je suis resté obstiné sur mon discours, de marbre. Je suis blessé, oui, je suis même profondément blessé, parce que je ne m'y attendais pas, je n'ai rien vu venir, il n'a rien montré de tout ce qu'il vous a montré à vous, absolument rien. Je n'ai peut-être rien vu aussi, je n'en sais rien mais ça prouve que l'amitié n'est pas comme l'amour. Que notre vision est erronée puisqu'il vous fait davantage confiance. Ce n'est pas un reproche, juste une réalité.

Louis-Damien ne reprochait en effet rien à Isa. Il l'appréciait et aurait fait des pieds et des mains dans le temps pour qu'elle accepte de sortir avec Chris, ne serait-ce que pour pouvoir profiter de sa conversation agréable avec son meilleur ami, enfin son "ex"-meilleur ami, il ne savait plus trop.

- En réalité, je ne sais pas si je suis prêt à renouer une amitié, je n'ai pas réussi pendant toute cette semaine où je préparais notre rencontre dans ma tête, à trouver une réponse à cette question. Je ne sais pas si je veux que ça s'arrête là ou que ça continue. Le pire, c'est que je suis incapable de prendre une décision. J'espérais pouvoir être fixé l'autre soir mais je suis allé trop loin, je n'ai pas pu m'en tenir à la base que j'avais prévue... maintenant il est parti, paradoxalement ça m'a laissé un vidé mais une partie de moi est satisfaite de l'avoir alors que l'autre le regrette... Que ça ait été une trahison ou une maladresse, l'impact est le même, ça fait mal.

[Isabella Nerio]

Oui je suis d'accord une trahison ou une maladresse l'impact est le même et ça fait mal mais ça n'est pas comparable..

Dites moi ? si vous l'aviez devant vous.. vous accepteriez de lui parler ?

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

- Pour lui dire quoi ? Que oui j'ai envie de lui mettre mon poing sur la figure et que je ne sais pas si je veux que notre amitié dure ?

Il haussa les épaules et ajouta :

- Je ne pense pas l'avoir un jour devant moi, je crois que j'ai été clair lors de notre dernière entrevue, il n'est pas idiot, il a compris le message. Sauf que ce message était écrit, préparé depuis quelques jours... J'ai le brouillon sur moi...

Il sortit une feuille papier de sa poche où il avait écrit son discours de A à Z au crayon papier.

- Je ne saurais pas quoi lui dire, si je l'avais en face de moi. L'avantage d'avoir un discours tout prêt, c'est que je ne me pose pas de question, je récite. Et ça m'évite d'y penser.

Depuis qu'il était enfant, Louis-Damien avait toujours été grand amateur de théâtre et de littérature. Son comportement s'était basé sur ses passions, sur un jeu d'acteur, un rôle de composition où il n'avait pas été convaincant mais où il s'était réfugié. Sa voix vint couper le silence lorsqu'il se braqua légèrement :

- Pourquoi cette question ?