[Restaurant Le Prestige] Une demande très spéciale (PV)

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

La carte du menu trembla légèrement entre les mains de Louis-Damien. Il savait qu'elle avait fouillé dans son passé et qu'elle avait appris certaines choses. Ce qui ne le dérangeait pas vraiment. Mais quand elle aborda le sujet avec son ton très direct et très franc, Lacroix tiqua. Il ne lui avait jamais parlé de ses parents, ni de son père, ni de sa mère... Il ne connaissait rien d'eux et pour lui c'était difficile d'évoquer des personnes avec qui il était lié mais qu'il n'avait jamais pu rencontrer, la Veilleuse les ayant tués alors qu'il était encore bébé. Il ne dit rien et la laissa passer commande, alors qu'un serveur s'était approché pour noter. Louis-Damien n'aimait pas l'échalotte, mais il était trop perturbé par ce que venait de dire Hélène pour y prendre garde, il se contenta de dire :

- Je crois... que je vais... prendre pareil.

L'homme nota et s'en fut, chercher les commandes et avertir le sommelier. Lacroix en profita pour dire, sans regarder Hélène dans les yeux, une boule au fond de la gorge, il y avait comme de la réprobation dans sa voix :

- La question ne se pose même pas, Hélène... Comment penses-tu que je pourrais préférer Charles Lacroix de Beaufoy à mon père ? Il y a des choses qui ne suffisent pas ?

Il releva sa manche pour dévoiler la cicatrice qui lui traversait l'avant-bras, en largeur. Un souvenir dur, difficile, d'une séance de coups venant de son grand-père. Il releva ses yeux bleus, glacés, blessés sur Hélène et la toisa un moment. Pas de haine, juste de l'amertume qu'elle ait appuyé là où ça faisait mal. Il savait qu'elle ne l'avait probablement pas fait exprès. Il ajouta :

- J'avais neuf ans... j'ai refusé de tirer avec un fusil. Je le hais pour ce qu'il m'a infligé, pour ce qu'il m'a ordonné de faire. Mon père était un héros dont je n'ai pas la carrure. Il s'est battu, moi je n'ai rien fait, j'avais juste peur. Entre mon bourreau et celui qui fut porteur d'espoir, qui crois-tu que je vénère le plus ?

Le sommelier arriva et Louis-Damien ajouta, à voix basse, mais sans hésitation, comme s'il souhaitait couper court :

- Mais, changeons de sujet.

[Hélène Le Menn]

Hélène se sentit mal, très mal, d'avoir osé abordé cela et attendit que le sommelier leur conseille le meilleur vin pour ce type de menu. Le sommelier partit, Hélène prit la main gauche de Louis et dit :

Mon chaton, je suis vraiment désolée d'avoir osé débarouler sur le tapis ce sujet... Vraiment ! Alors mangeons et parlons d'autre chose, d'accord ?

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

La tension de Louis-Damien disparut au contact de la main d'Hélène. Il la regarda un long moment dans les yeux puis répondit :

- Excuse-moi de réagir comme ça... cette blessure n'est pas guérie, et c'est un sujet qui m'est sensible. Mais tu ne pouvais pas savoir, je ne t'en ai jamais vraiment parlé. Je ne t'en veux pas Hélène, mais laisse-moi du temps pour évoquer le passé. J'en ai besoin, vraiment...

Il prit sa main entre ses deux paumes et l'embrassa avant de poursuivre :

- J'ai réfléchi à nous deux. Je n'ai plus envie que l'on se cache. C'est ridicule de le faire. Je t'aime, je me moque de savoir ce que les autres en pensent. Mais j'aimerais connaître ton avis. Devons-nous dire publiquement que nous sommes ensemble ? Ou laisser le temps et les journalistes le découvrir ?

[Hélène Le Menn]

Hélène sourit à Louis pendant qu'il embrassa sa main, puis répondit :

Prends tout le temps qu'il te faudra, mon chaton !

Pour ce qui est de nous deux et connaissant les journalistes, je pense qu'il vaut mieux dévoiler publiquement notre relation, ils seront moins chiant !

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

- Je pense aussi que nous devrions officialiser notre relation. Je n'ai pas peur des retombées, je m'en moque éperdument, la seule chose qui m'importe c'est d'être heureux, et je ne peux plus l'être dans l'ombre, en cachette.

Le serveur leur apporta leur plat. Louis-Damien en profita pour respirer l'odeur délicate et quand ils furent à nouveau seuls devant leurs assiettes, il continua :

- L'autre soir, j'ai repensé à toutes les gifles que tu m'avais donné... à chaque fois j'avais mal à la joue. Mais je préférais recevoir une main par la figure que d'être ignoré par toi. J'essayais de te dire ce que je ressentais, de parler, mais à chaque fois il y avait comme une barrière. Là ce soir, je peux dire que cette barrière a disparu, dès l'instant où tu m'as ouvert ton coeur. Je peux te poser une question ? Les lettres que je t'avais envoyé, tu les as lu ?

[Hélène Le Menn]

Les lettres ?

Hélène fouilla dans sa mémoire.

J'en avais reçu une que j'ai déchiré puis jeté à la poubelle... Les deux autres, je n'ai pas pu les lire car soit un souci d'adresse ou de chien... Mais pourquoi tu me demandes ça ?

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

Un sourire amusé éclaira son visage.

- J'étais sûr que tu les avais détruites. En gros j'y écrivais dedans ce que je n'avais pas le courage de te dire en face... ce n'est pas très glorieux, pourtant, je ne voyais que ça pour t'approcher. En fait j'avais conscience que le fait que tu me croises te faisait mal, forcément, j'espérais que les lettres seraient un bon moyen de ne pas me faire jeter...

Il garda son sourire et ajouta :

- C'est quand même drôle que ça soit le soir où je devais protocolairement demander Laura en mariage, que nous nous soyons rapprochés l'un de l'autre. Comme si le destin nous avait poussé dans les bras l'un de l'autre. Je sais que tu ne crois probablement pas en Dieu ou en le destin, je trouve juste que c'est assez poétique. Je peux te demander autre chose ? Tu connais bien Hamilton ?

[Hélène Le Menn]

Tu allais la demander en mariage, cette gourdasse ? Eh bin, j'ai bien fait alors !

C'est qui Hamilton ?

[Louis-Damien Lacroix de Beaufoy]

- Oui, j'ai failli l'épouser... on me disait que c'était la meilleure chose à faire pour faire oublier les rumeurs à notre sujet... j'étais réticent à l'idée de l'épouser, elle ne me plaisait pas et de tout façon elle sautait sur tout ce mâle qui bougeait aux alentours...

Il eut un léger rire et reprit son sérieux :

- Hamilton, ton détective privé... Il avait l'air de bien te connaître, lui. Alors je me demandais si tu avais confiance en lui et si tu le connaissais bien. Est-il fiable ?

[Hélène Le Menn]

Il s'appelle Hamilton ce type ? Je sais rien de lui sauf qu'il fait parfaitement son taf'... Je sais même pas à quoi il ressemble en fait...