En entrant dans le bâtiment, Zélie, nouvellement élue au poste de Maire d'Aspen, grimace atrocement. Que ce bâtiment fait vieillot... Et toutes ces tapisseries moyenâgeuses, quelle horreur. Non, vraiment rien ne va ici... Va falloir mettre de la couleur. De la moquette rose et des tableaux flashy terriblement girly.
Zélie va tout de même poser son très élégant, musclé, rebondi et fabuleusement parfait petit cul dans le siège du maire. Un thé au ginseng, le dernier album des Wombats, et on attend un éventuel visiteur désireux de rencontrer la plus belle de toutes les politiciennes du pays.
Bref, si le petit citoyen lambda que tu es souhaite soumettre une requête à la toute puissante Zélie Saint-Déodat, maire d'Aspen, vas-y, n'aies pas peur...
Dans l'optique du développement de sa visibilité sur la toile, la ville d'Aspen se doit d'étoffer sa page wiki. Aussi, appel est lancé à tous les Aspinois passionnés par l'histoire, par la géographie, ou tout simplement par leur ville, afin d'apporter leur contribution. Aspen compte sur ses enfants !
Ce n'est pas en tant que Président de la République que je vous envoie ce courrier mais en tant que dirigeant des Editions Lacroix. Comme vous le savez peut-être, mon entreprise est spécialisé dans l'édition et la publication d'oeuvres. Nous nous occupons également de l'enrichissement des contenus de la Bibliothèque Nationale.
C'est donc tout naturellement que je propose mon entreprise pour répondre à votre appel. Si vous êtes intéressée, n'hésitez pas à me contacter pour convenir d'un accord.
Acceptez Mademoiselle Saint-Déodat mes sincères salutations.
Louis-Damien Lacroix de Beaufoy,
Directeur des Editions Lacroix.
Louis-Damien Lacroix de Beaufoy, Ancien Président de la République Frôceuse,
Membre de droit à la Cour Suprême,
Directeur des Editions Lacroix,
Directeur Adjoint de Meade Airlines.
Madame le Maire d'Aspen, Zélie Cléophile Saint-Déodat a démissionné, ce jour, du Comité de Scénarisation afin de se consacrer pleinement à son mandat à la tête de la capitale.
Madame le Maire ira, par ailleurs, demain, à la rencontre des Aspinois et Aspinoises, dans les allées du marché de Noël d'Aspen. Chouette...
La venue de Louis-Damien à Aspen avait créé quelques réticences chez Madame la Maire, qui craignait que le Président ne vienne entâcher sa réputation au zénith. Ainsi, Lacroix effectua-t-il sa visite sans se mettre trop en avant, laissant Zélie faire son show. Au programme de la matinée, petit tour dans les marchés de Noël, distribution de cadeaux assurées par les deux figures politiques puis discours séparé, où Louis-Damien se contenta d'ajouter à la suite de la jeune femme :
- Décidément, je crois bien que Mademoiselle Saint-Déodat a le don pour expliquer en quelques mots ce que tous les poticiens essaient d'exprimer en quelques phrases. Quel formidable don que celui-là ! Du coup, je ne trouve rien à ajouter, si ce n'est que j'approuve totalement son discours, bravo. Et bonnes fêtes à tous.
Et d'ajouter à Arthur, lorsqu'ils furent seul à seul : "C'est bien la première fois de ma vie que je joue publiquement un abruti. Qu'il est difficile de se mettre dans la peau de Makhno", avant d'ajouter un sourire amusé.
Louis-Damien Lacroix de Beaufoy, Ancien Président de la République Frôceuse,
Membre de droit à la Cour Suprême,
Directeur des Editions Lacroix,
Directeur Adjoint de Meade Airlines.
Sam Meade entra d'un pas déterminé dans la mairie d'Aspen. Il avait des dossiers sous le bras et demanda à l'accueil la possibilité de rencontrer Mlle Saint-Déodat qui était la maire d'Aspen. On lui dit qu'il fallait un petit peu patienté. Il s'installa dans un des sièges qui étaient à l'entrée de la mairie, entre une mède famille accompagnée de ses deux enfants et un vieil homme. Sam n'avait pas la folie des grandeurs et était resté quelqu'un de simple malgré ses diplômes, son métier d'homme d'affaire et son engagement politique. Il sortit son smartphone et se fit une petite revue de presse avant de marmonner: "Bon, j'espère qu'elle n'arrivera pas trop en retard, j'avais promis à ma femme d'être chez nous à Anglès ce week-end."
Claquements de talon. Zélie Saint-Déodat, en tailleur italien, apparait dans le grand hall. Lunettes de soleil sur le nez et téléphone sur l'oreille. Elle est suivie par deux hommes en costume. Elle monte les escaliers puis se présente dans la grande salle, antichambre à son bureau, servant de lieu d'attente. Tout en palabrant, dans un anglais parfait, elle dévisage rapidement les forces en présence.
Une femme, visiblement pauvre, entiché de deux gamins braillards. Un homme dans un costume fort bien taillé. Un vieux, surement incontinent et sénile. Zélie a tôt fait d'analyser la situation. Les gamins vont lui donner mal à la tête et le vieux va lui pourrir son fauteuil... Elle entre dans son bureau. Conclue, enfin, sa conversation, puis se tourne vers l'un de ses collaborateurs.
"Dites au vieux... Enfin, pas le plus vieux, l'autre. Celui qui a un costume Armani... Dites-lui d'entrer. Je lui accorde 5 minutes. J'ai un rendez-vous très important après."
Le conseiller acquiesce, puis retournant dans la salle d'attente, il jette un coup d'oeil sur le planning afin de se rappeler de quelle rencontre importante il s'agit : manucure...
Zélie Saint-Déodat avait ébloui la pièce lorsqu'elle était arrivée, son élégance et son charme n'avait peu d'égal, mais cela n'empêchait pas Sam de rester droit dans ses bottes quand il entra dans le bureau de la jeune femme. Il lui serra la main poliment en ajoutant quelques formules habituelles pour saluer comme il se doit quelqu'un qui a du pouvoir. Il le savait, il jouait gros lors de son rendez-vous.
Il s'assit sur une chaise face à Mlle Saint-Déodat, sortit ses dossiers. Il y avait une bonne pile bien consistante de feuilles, Sam se dit que son interlocutrice devait être surprise de voir un homme qu'elle n'avait jamais rencontré débarquer avec un tel bazar, ce fut donc un peu gêné qu'il ouvrit plusieurs chemises. Enfin, il venait de trouver la bonne feuille, il se lança alors:
"Mademoiselle, je suis Président-Directeur Générale de Meade Airlines, une compagnie aérienne qui compte rapidement, permettez moi le jeu de mots, prendre son envol. Vous êtes la maire de la capitale, la plus grande ville du pays, ce n'est pas négligeable et vous savez que c'est un carrefour géographique en Europe. Il serait donc naturel que Meade Airlines s'implante ici à Aspen. Mais nous débordons aussi de notre simple activité de compagnie aérienne. En effet, nos activité s'étendent aussi à la construction et à la gestion des aéroport. L'aéroport international est un peu vétuste, nous voudrions ni plus ni moins que le rénover et faire de celui-ci l'égal des grands aéroports mondiaux. Clairement nous souhaitons voir des avions Meade Airlines sur la piste de l'aéroport d'Aspen et posséder cet aéroport pour le mettre au niveau de ses homologues. Qu'en pensez-vous ?"
Pendant que son interlocuteur commence son exposé, Zélie lance son MacBook Pro. Elle opine, de temps à autre, du chef, tout en se connectant à sa boîte mail. En bonne représentante de la gente féminine, elle est tout à fait capable de faire plusieurs choses à la fois. Finalement, elle quitte des yeux l'écran, et ses mails enflammés, pour porter son attention sur l'homme d'affaires.
"Hum... Meade Airlines vous dites? Un brin mégalo comme nom..."
Elle affiche une petite grimace, imaginant déjà les avions affichant ce nom.
"C'est définitif comme dénomination? Aspen Airways, Aspen Airline, ou même Air Frôce aurait plus de gueule... Enfin, je ne vais pas vous donner de leçons de marketing..."
Zélie appuie sur un bouton de son téléphone.
"Montez-moi les dossiers de l'aéroport rapidement. Merci."
Une petite attente commence. Zélie ne connait rien au fonctionnement de l'aéroport, aussi l'apport de documents officiels et détaillés est ici nécessaire.
"Vous ne faites pas tant d'histoire quand il s'agit de haute-couture non ? Dior, Channel, Armani, Gauthier... Un bon nombre de ces maisons de coutures portent le nom de leur fondateur ou fondatrice." répondit-il en regardant de haut en bas l'accoutrement de Zélie Saint-Déodat.
Les documents arrivèrent alors, une secrétaire les amena et les déposa sur le bureau. Sam Meade regarda la mine de son interlocutrice un peu perdue dans tout cette affaire, mais rien ne servait de l'enfoncer encore plus. Il ajouta:
"Ne vous inquiétez pas, nous n'allons pas rebaptiser l'aéroport à l'aide de mon nom. D'ailleurs, je laisse la mairie totalement libre sur ce choix, si vous voulez accoler un nom particulier à cet aéroport, faites comme bon vous semble. Vous avez votre pouvoir de décision dans ce dossier. Ce complexe sera un atout pour Aspen et contribuera à sa rayonnance international. Ne l'oubliez pas tous les touristes qui pourront affluer mais aussi les entreprises frôceuses qui pourront bénéficier de ce moyen de transport."